Rapport de l’Inspection Générale - mai 2006
Le système éducatif ne peut pas rester à l’écart de l’évolution de la société dans laquelle il inscrit son action. Il ne peut donc ignorer que le secteur du soutien scolaire hors de l’École constitue un marché en plein essor, couvert à la fois par des intervenants publics et, plus encore, des intervenants privés. L’intervention croissante dans ce domaine du secteur marchand (surtout pour le second degré) constitue à terme une menace pour l’égalité des chances.
Il ne saurait, d’autre part, faire abstraction du fait que près des trois-quarts des foyers français avec enfants sont aujourd’hui équipés d’ordinateurs et que l’assistance scolaire est conduite à s’appuyer de plus en plus sur les technologies de l’information et de la communication (TIC2).
L’École se trouve ainsi confrontée à un nouvel enjeu : s’il convient, naturellement, de se féliciter que les enfants puissent profiter d’internet et de soutien pour progresser, il devient plus que jamais nécessaire que les pouvoirs publics interviennent sur ces champs pour garantir des chances égales pour tous.
Les inspections générales ont été sollicitées pour mener une réflexion sur ce que pourrait être une politique à long terme d’accompagnement à la scolarité - en intégrant dans celle-ci le volet « TIC » - et pour présenter les recommandations qui en résultent. Sans exclure complètement le niveau terminal du collège et le lycée, il a paru préférable de centrer prioritairement la présente étude sur les élèves de la fin de l’école primaire et du début du collège, pour deux raisons : d’une part parce que ces années constituent une étape majeure, déterminante dans l’ensemble du cursus scolaire ultérieur, pour l’acquisition des savoirs fondamentaux ; d’autre part parce que le secteur marchand du soutien scolaire (notamment à domicile) a, pour l’instant, moins pénétré le premier degré, au bénéfice des dispositifs d’accompagnement publics et gratuits, qui constituent le cœur même de la présente étude.
La question posée peut, a priori, appeler deux types de réponses : faire confiance au développement du marché et atténuer ou supprimer les inégalités qu’il produit en imaginant de nouvelles procédures de compensation financière en faveur des familles modestes ; prendre appui sur les dispositifs publics de l’accompagnement à la scolarité, gratuits pour les familles, en les adaptant à une nouvelle problématique.
S’il a semblé utile d’intégrer à la réflexion certaines approches liées aux pratiques des sociétés marchandes, la mission a toutefois été conduite, par sa fonction-même, à retenir la seconde entrée, électivement positionnée sur le pilotage institutionnel.
L’École ne peut être toujours son propre recours.
Elle travaille en partenariat avec des associations, des collectivités et des organismes, soucieux d’investir dans la prévention de l’échec scolaire plutôt que dans la réparation ultérieure de la difficulté sociale qu’il génère. Le recours aux TIC ouvre, par ailleurs, de nouvelles perspectives : prévenir la fracture numérique et la fracture culturelle en permettant à tous les élèves et à tous les jeunes d’accéder à une forme de culture actuelle et à l’acquisition de compétences nécessaires à leur future insertion professionnelle et sociale, fournir l’occasion de déscolariser partiellement l’espace scolaire et, en dehors de l’École, présenter l’avantage de ne pas scolariser exagérément l’espace social.
Il ne saurait être, en revanche, suffisant de se contenter des constats les plus fréquemment dressés qui, le plus souvent, ciblent plus volontiers les effets positifs de l’accompagnement à la scolarité sur le comportement des élèves que sur leurs progrès dans les apprentissages fondamentaux.
Il convient, à cet égard, de bien s’imprégner de deux conclusions d’un rapport de Dominique Glasman, sur le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école3 : « La vigilance s’impose si l’on veut éviter de faire, de l’accompagnement à la scolarité, l’accompagnement social de l’exclusion scolaire ».
« On a pu constater que les dispositifs obtenant les résultats les moins contestables sont ceux qui sont très directement en prise sur le travail scolaire ».
C’est à l’aune d’un principe simple : « Comment servir les apprentissages fondamentaux sans, pour autant, refaire la classe après la classe ? » que la mission a examiné ce que cette problématique impliquait en termes de regard porté sur les enfants, les parents, les enseignants et accompagnateurs, les locaux, le matériel, les contenus pédagogiques, le pilotage et le financement des dispositifs.
A cet effet, après avoir réuni et consulté les notes et rapports publiés sur ce sujet, la mission s’est entretenue avec des responsables politiques et administratifs ainsi que des représentants d’associations, d’organismes et d’entreprises privées. Des déplacements sur le terrain ont permis, en outre, d’observer le fonctionnement de dispositifs préalablement repérés comme susceptibles de fournir de précieuses informations.
La mission a eu pour préoccupation constante de chercher de quelle manière il était possible d’accroître l’efficacité des dispositifs d’accompagnement à la scolarité, d’évaluer les effets de leur pénétration par les TIC et d’éprouver les hypothèses émises, dans le souci d’une plus grande égalité des chances.
Le rapport s’organise en deux parties. La première souligne les limites des politiques et des pratiques actuelles. Elle identifie des insuffisances ou des difficultés auxquelles la seconde partie tente d’apporter des réponses.
La conclusion ne présente pas le schéma d’un modèle unique. Elle contient, en revanche, des propositions précises, relatives à des pratiques dont il serait utile de s’inspirer pour aller vers une généralisation réussie.
RAPPORT