Robien demande aux profs une double spécialité

Marie-Estelle Pech [10 janvier 2006]

L’EDUCATION NATIONALE s’apprête à vivre une petite révolution dès la rentrée 2007 avec l’arrivée d’enseignants à double compétence. Cela devrait assouplir une machine extrêmement rigide, espère la direction des personnels enseignants de l’Education nationale. Souvent perdus en arrivant au collège, les élèves de sixième auront moins d’enseignants différents et les profs seront moins « ballottés » d’un établissement à l’autre du fait de leur spécialité. Les remplacements de courte durée ou de longue durée devraient être facilités, dit-on du côté du ministère. « Les zones rurales ou de montagne seront mieux couvertes. »

Près de 16% des étudiants se sont laissés tenter par la « double casquette » alors qu’elle était proposée pour la première fois cette année aux concours de l’enseignement. Quelque 6 483 des 40 600 ins crits à ceux du Capes en lettres, sport, histoire-géographie, sciences-physique, sciences de la vie et de la terre et langues ont choisi une épreuve complémentaire de leur discipline initiale. En langue pour les futurs enseignants en lettres ou en mathématiques pour ceux qui ont choisi les sciences-physique, notamment. Cette année, par exemple, le futur professeur de lettres mention langue sera testé sur une épreuve unique, à l’oral par un jury du Capes d’anglais. Si sa note est supérieure ou égale à celle des professeurs d’anglais, il pourra enseigner cette langue, à sa sortie de l’Institut de formation des maîtres (IUFM). Reste une condition : que ce service prenne moins d’un tiers des dix-huit heures qu’il doit à l’Etat.

L’idée de la « bivalence » n’est pas nouvelle, d’autant plus que la plupart des pays européens ignorent la spécialisation disciplinaire, particularité française surtout au niveau du collège. Quel que soit leur bord politique, les députés l’ont souvent évoquée ces dernières années avec une arrière-pensée budgétaire. Avant Gilles de Robien, Luc Ferry puis François Fillon l’avaient lancée.

Argument pédagogique

La bivalence existe déjà au sein de l’Education nationale dans des cas très particuliers. Dans les années 1960, les professeurs d’enseignement général (PEGC) étaient « bivalents » et recrutés à bac + 2. Il a été mis fin à leur recrutement en 1986 car ces enseignants, pour l’essentiel d’anciens instituteurs, n’étaient pas jugés assez compétents. Quelque 23 000 exercent encore mais devraient bientôt partir à la retraite. Près de 20 000 professeurs des lycées professionnels (PLP) chargés des enseignements littéraires et scientifiques jonglent quant à eux entre deux matières (lettres-histoire, lettres-langue, mathématiques-sciences-physique).

Ces enseignants sont censés enseigner aussi dans les collèges mais le cloisonnement est tel que seuls une centaine d’enseignants y parviennent. Le ministère entend augmenter ce chiffre à court terme.

Pour les syndicats, l’objectif de la bivalence est clairement budgétaire. Selon le Snes et le SE-Unsa, principaux syndicats des enseignants du second degré, l’idée consiste avant tout « à rentabiliser au maximum les moyens dont dispose le ministère » dans une période de suppression de postes. Le secrétaire général du Snes, Bernard Boisseau, objecte également des arguments pédagogiques. « Un prof qui fait réussir sa classe a forcément été bien formé dans sa discipline », dit-il. Selon lui, « si on élargit le champ d’intervention des enseignants, ils seront moins bien qualifiés ». Une épreuve unique de recrutement n’a par ailleurs « pas la même valeur » qu’une licence ou un Capes, observe-t-il.

mis en ligne le mardi 10 janvier 2006
par ML



  
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