Les jeux dangereux font encore des victimes

Malgré les mises en garde répétées des enseignants et des parents, plusieurs collégiens meurent chaque année en essayant d’avoir des sensations fortes

Delphine Chayet (avec Saïd Mahrane) [03 juin 2005] LE FIGARO

Jeu du foulard, du cosmos ou de la grenouille, rêve bleu ou rêve indien... Ils ont des noms et des modes opératoires variés, mais un but unique : éprouver l’état d’ivresse précédant la perte de conscience. Connus depuis cinquante ans, les jeux de l’évanouissement continuent ainsi de sévir, de façon cyclique, dans les collèges et les écoles. « Le phénomène se déroule encore de nos jours à l’insu des adultes, jusqu’à ce qu’un accident ne donne l’alerte », souligne Françoise Cochet, présidente de l’Association de parents d’enfants accidentés par strangulation (Apeas).

Mercredi, la mort accidentelle de Faustin, 11 ans, qui s’est pendu quatre jours plus tôt au lit superposé de sa chambre de Chevilly-Larue (Val-de-Marne), a fait ressurgir le danger de ces jeux enfantins. « L’enfant, qui ne souffrait pas de problèmes psychologiques, a probablement voulu découvrir la sensation de strangulation », selon un enquêteur. Faustin est ainsi la deuxième victime du « jeu du foulard » qu’a eu à connaître l’Apeas en 2005. Le 17 mars dernier, Julien, 12 ans, s’était accidentellement pendu dans le garage de ses parents.

L’expérience de l’évanouissement se pratique ainsi par jeu ou curiosité, seul ou en groupe. Et la plupart de ceux qui s’y adonnent ignorent qu’il est mortellement dangereux.

« En réduisant la circulation sanguine, les enfants diminuent l’oxygénation du cerveau, souligne le docteur Jean-Claude Fisher, psychiatre marseillais, spécialiste de l’adolescence. Si cet état d’hypoxie dure trop longtemps, les cellules cérébrales vont souffrir avec des risques de lésions irrémédiables, voire de mort. »

Aucune statistique officielle ne renseigne sur le nombre d’accidents causés par ces pratiques, que les spécialistes classent désormais dans les conduites à risque. L’Apeas a, elle, recensé plus de cent victimes depuis les années 50, mais l’estimation est « loin de représenter la totalité des cas », selon Françoise Cochet. Et les adeptes du jeu du foulard, issus de toutes les couches de la société, rajeunissent depuis quelques années. « L’âge moyen de la pratique est passé de 14 à 10 ans environ aujourd’hui, remarque le docteur Fisher. Les filles sont moins concernées : elles restent le plus souvent spectatrices. »

L’an dernier, Jean-Marie Rottero, principal du collège Marie-Mauron dans les Bouches-du-Rhône, a eu un cas dans son établissement. Un élève de 13 ans a été victime d’un très grave malaise après avoir joué au foulard. « Il s’était caché dans un coin de la cour de récréation avec deux camarades, témoigne le principal. Le garçon a pratiqué une hyperventilation par de grandes inspirations, puis les deux autres ont appuyé sur son cou pour réduire l’afflux de sang au cerveau. »

L’adolescent a pu être rapidement réanimé par le médecin de l’école. Mais l’expérience a laissé un goût amer et le collège s’est lancé dans la prévention. « Seule une information des parents et des élèves sur les risques encourus permettra d’éviter de nouvelles victimes », martèle Françoise Cochet.

Une circulaire du ministère de l’Education nationale, envoyée en 2003, incitait les recteurs à « sensibiliser les directeurs d’école et les chefs d’établissement », mais aussi les parents et les enseignants. « Ces consignes sont régulièrement rappelées », souligne le ministère, également confronté à la mode des jeux violents : « jackass », jeu de la canette, du bouc émissaire ou du « petit pont massacreur »... « En parlant de ces jeux interdits, les directeurs craignent en fait de donner de mauvaises idées aux enfants », explique-t-on au ministère. Ainsi, selon l’Apeas, la majeure partie des parents d’élèves et des professeurs ne sont toujours pas au courant de l’existence de ces jeux à risque.

mis en ligne le dimanche 5 juin 2005
par ML



  
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