Les communes ont la charge financière des écoles maternelles et primaires. Et les budgets varient beaucoup d’une ville à l’autre.
Par MARIE PIQUEMAL
A l’école de la République, tous les élèves n’étudient pas dans les mêmes conditions matérielles. Certains sont dans des salles de classe pimpantes, avec cahiers, feutres à profusion. Des ordinateurs rutilants, une connexion internet qui dépote et les 10% les mieux lotis ont même un TBI (pour « tableau blanc interactif ») tactile et numérique à la place du tableau vert avec ses craies et tampons. Ça, c’est dans les écoles riches, celles qui sont situées dans des communes qui ont de l’argent et qui placent l’éducation au rang de priorité. Et puis, tout près, à quelques kilomètres, il y a les autres. Les écoles qui bataillent pour organiser des sorties piscine, parfois obligées de demander une participation financière aux parents pour payer le bus.
Le Snuipp, principal syndicat du primaire, en partenariat avec l’association des maires ruraux et l’association des directeurs de l’éducation des villes, a comparé les budgets de près de 1500 écoles primaires, dans 800 communes. Résultat : « Les écarts de budget pour les fournitures vont de 1 à 10 selon les écoles », relève Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp. 8 ordinateurs pour 100 élèves
Depuis la fin du XIXe siècle, le fonctionnement matériel de l’école (entretien des bâtiments, chaises, manuels...) incombe aux municipalités. L’Etat prend en charge uniquement la formation et le salaire des professeurs. Les disparités entre écoles ne datent pas d’aujourd’hui mais ne s’atténuent pas. Loin de là. « Elles mettent aujourd’hui en péril le principe de la gratuité, s’inquiète Sébastien Sihr. Les missions de l’école évoluent, de nouvelles compétences apparaissent sans que ne soit précisé qui en porte la responsabilité financière. »
Un exemple : l’accès aux nouvelles technologies. Une circulaire du ministère de l’Education prévoit que tout élève de CM2 doit passer son brevet informatique et Internet (B2i). Très bien, sauf qu’aucun texte ne précise qui paie l’abonnement au web et l’équipement en ordinateurs. Dans les faits, les communes « compensent le désengagement de l’Etat », pointe Vanik Berbérian, de l’association des maires ruraux. Et financent à hauteur des moyens. Une école sur deux dispose d’une salle informatique, on compte en moyenne 8 ordinateurs pour 100 élèves.
Les écoles en ZEP moins bien dotées
Autre exemple, l’accès à la piscine et aux activités culturelles, là encore prévues dans les programmes de l’Education nationale. Aujourd’hui, un tiers des écoliers ne vont pas à la piscine dans le cadre de l’école, faute de moyens. Pour les activités culturelles (spectacle, visites de musées...), près de la moitié des écoles interrogées ne perçoivent aucun budget dédié. 12% disposent de moins de 5 euros par an et par élève alors que 8% ont plus de 20 euros par élève... Pour les projets de classes découverte (à la mer, montagne...), 37% des écoles interrogées ne reçoivent aucun financement tandis que 11% disposent de plus de 100 euros par élève chaque année.
Quant aux crédits pédagogiques, débloqués par l’Etat pour financer des projets éducatifs (découverte artistique, faire venir un intervenant...), ils ont été divisés par 13 depuis 2007. « Rapporté au nombre d’élèves du public dans chaque catégorie, cela donne 11 centimes d’euros par élève et par an en maternelle, 25 centimes en élémentaire et 6,80 euros pour les élèves à besoins éducatifs particuliers », précise l’étude.
Les disparités existent même pour les petites fournitures (crayons, cahiers, manuels scolaires).
Les municipalités allouent en moyenne 47 euros par an par élève. Sans surprise, dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), souvent situées dans les quartiers les plus pauvres, le budget par élève est inférieur à la moyenne (autour de 44 euros).
Peut-on dessiner une géographie des écoles riches et des écoles pauvres ? Sur ce point, l’étude ne va pas assez loin, elle ne dresse pas de cartographie selon, par exemple, le bord politique de l’équipe municipale. « Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas de clivage entre les villages et les villes. On ne peut pas dire qu’en milieu urbain, les écoles sont mieux dotées », insiste Vanik Berbérian de l’association des maires ruraux. Dans les petites communes, la qualité de l’école (et donc accueil périscolaire, cantine...) est un enjeu vital pour attirer de nouvelles familles.
Vanik Berbérian : « Il est important que les municipalités gardent la main dans l’organisation pratique de l’école, on répond mieux que quiconque aux besoins de la population. Mais l’Etat doit assurer une équité entre les élèves. » En créant, par exemple, un fonds de péréquation pour venir en aide aux communes en difficulté n’ayant pas les moyens de financer « un cartable de base pour chaque élève ». Dont le contenu reste à définir. LIBERATION 10 2011