Age tendre et gueule de bois

Age tendre et gueule de bois

Alcool. Un colloque explore, aujourd’hui à Paris, la quête d’ivresse des ados.

Boire jusqu’à se mettre la tête à l’envers, de nombreux adolescents savent ce que c’est. Les chiffres en témoignent : 43 % des jeunes Français ont, au cours des trente derniers jours, bu au moins une fois cinq verres ou plus dans la même soirée, ce qui représente une sérieuse quantité d’alcool. C’est ce qu’indique la dernière étude Espad (1) qui, tous les quatre ans, permet de comparer les données de 35 pays européens concernant des élèves de 16 ans. Une telle propension au binge drinking (consommation de grandes quantités d’alcool en très peu de temps) fait paniquer les parents et nombre de médias embrayent sur une jeunesse menacée d’alcoolisation pathologique.

« Experiences ». La situation est-elle à ce point préoccupante ? Pour mesurer la gravité du problème, le Fil santé jeunes (service téléphonique anonyme et gratuit, créé par le ministère de la Santé il y a quinze ans) réunit aujourd’hui, à Paris, épidémiologistes, anthropologues et psychiatres. « Beaucoup de chiffres circulent sur l’alcoolisation massive des jeunes et les comas éthyliques, constate Brigitte Cadéac, directrice du Fil santé jeunes (2). Le problème, c’est la fiabilité de ces chiffres. » Ou plutôt ce que l’on mesure. Une imprégnation régulière ? Des pics d’alcool brutaux, mais furtifs, au cours de soirées ? Autre limite : la statistique française n’ayant que trente ans sur cette question (et c’est l’une des plus précoces), difficile de tirer des conclusions alarmantes sur les adolescents d’aujourd’hui.

Toutes ces précautions prises, la consommation d’alcool des jeunes mérite attention. A en croire l’enquête Espad (considérée comme la référence par les spécialistes du sujet), le binge drinking n’est pas une spécialité française (voir graphique ci-contre). Les jeunes danois, britanniques, portugais et tchèques s’enivrent beaucoup plus sévèrement. Tandis que les jeunes finlandais, suédois, hongrois et espagnols sont moins concernés. Et les ados français ? Ils sont, avec les Italiens, pile dans la moyenne. Pourquoi tant d’inquiétude alors ? « Dans la mesure où la France est devenue très restrictive sur la consommation d’alcool, les dérapages se remarquent d’autant plus »,avance la directrice du Fil santé jeunes. Dont acte.

Jaja. S’ils ne pratiquent pas systématiquement la « défonce dans l’alcool », il n’empêche, les jeunes français (filles et garçons) recherchent l’ivresse (lire ci-contre). Mais s’agit-il d’une dépendance ou d’un rituel, interrogent les organisateurs de cette journée ? « A l’évidence, les adolescents ont envie d’expériences fortes autour de l’alcool, produit omniprésent dans notre pays », explique Marie Choquet, épidémiologiste et directrice de recherches à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Certes, ils ne boivent plus quotidiennement du vin comme leurs grands-parents, « mais ils consomment des alcools au gré de leur vie sociale et amicale, avec des boissons et des quantités variables d’une situation à l’autre », poursuit Marie Choquet. Des variations qui rendent la mesure du phénomène « plus complexe qu’il n’y paraît ».

Si le verre de jaja à la table des parents a disparu, c’est malgré tout dans les fêtes de famille que les jeunes goûtent à l’alcool. C’est culturel en France et tous les milieux sociaux sont concernés. Puis, en grandissant, on n’envisage plus une fête entre potes sans alcool. En prenant soin d’éloigner les adultes car leur présence dans une soirée limite les conduites excessives.

Boire représente avant tout une activité festive et conviviale, un moyen de « délirer » ensemble. Du coup, très rares sont ceux qui boivent en solo. Une fois qu’on a pris goût à l’alcool, en est-on prisonnier ? En 2007, 13 % des jeunes de 16 ans disent en consommer régulièrement (au moins dix fois par mois). Un chiffre qui a quasiment doublé en quatre ans. Et une tendance deux fois plus élevée chez les garçons que chez les filles, dont la consommation a aussi augmenté.

Stress. Difficile d’en expliquer les raisons. Pour les chercheurs, les contextes familiaux sont déterminants. En outre, « la part du stress scolaire est trop souvent passée sous silence », souligne Marie Choquet. D’où l’intérêt de mesurer les consommations d’alcool à 16 ans. C’est-à-dire après le collège. De l’avis général, l’année de transition entre la troisième et le lycée (ou toute autre orientation) représente une période de grande fragilité. Une étape délicate à franchir. Où les plus en difficulté auront tendance à cumuler les produits (alcool, tabac, cannabis).

(1) « European School Project on Alcohol and Other Drugs », menée par l’Inserm et l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).

(2) www.filsantejeunes.com

mis en ligne le vendredi 23 octobre 2009
par ML



  
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