Rentrée scolaire et grippe A : "Nous sommes démunis"
Mercredi 2 et jeudi 3 septembre, plus de 12 millions d’élèves font leur rentrée scolaire. Un retour à l’école placé, cette année, sous le signe de la grippe A(H1N1). Thierry Fabre, directeur de l’école primaire La Millière à Marseille, estime n’avoir pas été suffisamment préparé au risque d’épidémie de grippe A, malgré le plan gouvernemental.
Avez-vous été préparé au risque d’épidémie de grippe A dans votre école ?
Absolument pas. Nous venons de recevoir la plaquette ministérielle à distribuer aux familles jeudi. Il est écrit dans ce dépliant que "les responsables des écoles et des établissements scolaires se sont préparés à gérer les cas groupés de grippe A (H1N1) qui surviendraient dans le cadre scolaire", mais c’est faux ! Nous n’avons été formés à rien du tout, nous n’avons pas reçu d’information autre que cette plaquette. L’inspecteur d’académie des Bouches-du-Rhône nous a juste demandé de désigner un référent "grippe A" au sein de l’établissement. Le 30 août, le Bulletin officiel a publié une information sur les gestes barrières, et c’est tout. Tout ce que je sais sur la grippe A, je l’ai appris par moi-même, en naviguant sur Internet.
Comment allez-vous mettre en œuvre les recommandations de l’éducation nationale ?
Tous les "gestes barrières" préconisés sont faisables, mais à quel coût ? Nous n’avons pas de budget pour acheter des mouchoirs en papier, nous devons nous tourner vers la mairie ou solliciter les familles, ce qui heurte le principe de gratuité de l’école. Nous n’avons pas de poubelle à ouverture pédestre pour jeter les mouchoirs utilisés, que des corbeilles à papier. Le lavage des mains systématique prend beaucoup de temps, et nous n’avons pas assez de savon ni de distributeurs. Quant aux solutions hydro-alcooliques, elles ne sont pas adaptées aux plus petits.
Et puis il y a toutes les situations auxquelles on ne pense pas. Par exemple, les enfants boivent au robinet pendant la récréation, c’est normal. Mais nous allons devoir acheter des gobelets ou des bouteilles pour qu’ils puissent boire proprement, et il faudra les surveiller. Quant au dépistage, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Nous savons repérer des symptômes grippaux mais nous n’avons pas de thermomètre frontal pour surveiller la température des enfants, et là encore, pas de budget pour en acheter. C’est un vrai casse-tête, je viens de passer deux heures en conseil des maîtres pour régler tous ces petits problèmes !
Craignez-vous une vague épidémique ?
Je ne crains pas l’épidémie plus que ça, je crains surtout la désorganisation qu’elle pourrait entraîner. Si 20 % des élèves sont malades, faire tourner l’école sera compliqué. D’autant plus que les enseignants risquent d’être contaminés également. Et le taux de remplacement des instituteurs n’a pas changé depuis que j’ai commencé à exercer, en 1977 ! En temps normal on ne s’en sort pas, alors en temps d’épidémie... Quant à fermer des classes en cas de foyer grippal [le plan prévoit fermeture de tout ou partie des écoles], c’est une mesure qui me paraît absurde, les enfants circulent pendant la récréation, le sport, ils jouent ensemble à la sortie des classes. Une telle mesure ne peut qu’empirer les choses.
Il aurait fallu élaborer des solutions dès le printemps dernier, travailler plus en amont. Nous aurions pu nous organiser pour obtenir le matériel adéquat avant la rentrée et faire circuler l’information en interne. La situation n’est pas catastrophique, mais nous sommes un peu démunis par rapport à ce que l’on nous demande de faire. C’est dommage, car nous aurions pu saisir l’occasion pour mener une véritable campagne d’éducation à l’hygiène.
Propos recueillis par Audrey Fournier