L’Etat veut s’occuper des "sans-diplômes", frappés par la crise

Alors qu’un demi-million d’élèves rangent leur nouveau diplôme, 120 000 jeunes ont quitté cette année encore l’école les mains vides, parfois avant 16 ans, l’âge de la fin de la scolarité obligatoire. Peu visibles, dans un pays marqué par sa tradition d’élitisme républicain, ces "sans-diplôme", "décrocheurs" du système scolaire, qui ont, un jour, arrêté de venir en classe au collège ou au lycée, font l’objet d’une attention nouvelle.

Ils sont les premières victimes de la crise. Les responsables politiques sont en train de les découvrir.

Début juillet, l’Etat a signé avec des régions des conventions visant à "réduire le nombre de jeunes sans formation ou emploi". Le but est d’éviter de les laisser s’évanouir dans la nature une fois sortis du lycée. La région Centre, avec celle du Nord-Pas-de-Calais, sera la première à puiser dans le fonds gouvernemental destiné à financer des expérimentations pour ramener ce public vers l’école, à hauteur de 961 000 euros.

Pour reprendre le contact avec les "décrocheurs", la commission Hirsch sur la jeunesse a proposé de déplacer la journée d’appel de préparation à la défense de 18 à 16 ans. Elle a préconisé que les missions locales puissent les prendre en charge dès leur décrochage, pour les engager dans une formation ou une préparation à l’entrée dans la vie active.

LEUR NOMBRE NE DÉCROÎT PLUS

Vraie volonté politique ? Dans son discours devant le Congrès, le 22 juin, Nicolas Sarkozy avait insisté : "Quand on n’a rien à proposer entre 16 et 18 ans aux enfants qui sortent de l’école sans diplôme, sans formation, sans perspectives, quand on perd la trace des enfants en difficulté qui se trouvent de facto exclus du système scolaire avant d’avoir achevé leur scolarité obligatoire parce que l’on n’a pas de structures adaptées pour eux, on ne fait pas des économies. On prépare une augmentation considérable des dépenses futures parce que l’on paiera très cher le coût de cette déscolarisation."

En attendant, les 120 000 nouveaux venus de l’année sont en train de rejoindre les cohortes précédentes. Au pays des difficultés : dans la génération sortie en 2004 du système scolaire, 32 % des sans-diplôme sont toujours hors de l’emploi, contre 17 % chez les titulaires d’un brevet d’enseignement professionnel (BEP) ou d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP), et 14 % dans l’ensemble de la génération.

La crise va les fragiliser encore : "Nous avons vu avec la génération 1999 qu’ils sont les premières victimes lors des retournements de conjoncture. En 2001, ce sont leurs emplois qui ont été supprimés en priorité, explique Céline Gasquet, chercheuse au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Les écarts entre les sans-diplôme et l’ensemble d’une génération vont se creuser encore les mois à venir."

Autre problème, depuis deux ans, le nombre des sorties sans diplôme ne décroît plus. La France consacre pourtant 6,6 % de son produit intérieur brut (PIB) à l’éducation. Et la loi d’orientation de 1989 avait fait le pari d’amener 100 % d’une classe d’âge à un diplôme. Le système scolaire reste fait pour l’élève bon ou moyen. Des solutions partielles ont été trouvées pour ceux qui décrochent très tôt, grâce aux 250 classes relais.

Mais le problème se corse à 16 ans, lorsque cesse l’obligation scolaire : parmi ces jeunes, 2 % arrêtent après une classe de seconde, et 5 % après avoir commencé à préparer un CAP ou un BEP, que bien souvent ils n’ont pas choisi. A ces décrocheurs s’ajoutent 10 % des jeunes qui ratent leur examen et ne le repassent pas.

"Souvent, ils traînent de longue date des difficultés, et puis il suffit d’un enseignant avec qui cela se passe vraiment mal pour qu’ils ne reparaissent plus, analyse la sociologue Maryse Esterle-Hedibel. Vu de l’extérieur, il aurait souvent suffi de peu de chose pour que leur destin bascule différemment. On voit bien que le décrochage ou le raccrochage se fait par la relation entretenue avec un ou plusieurs enseignants."

Officiellement, l’éducation nationale s’occupe d’eux : obligation faite à chacun d’acquérir le socle commun, aide individualisée, accompagnement scolaire le soir après l’école. Mais ces mesures, efficaces pour les élèves en difficulté légère, butent sur la grande difficulté. "C’est notre grand défi", explique Jean-Marc Louis, inspecteur chargé de ce dossier en Moselle et coauteur de Comprendre et accompagner les enfants en difficulté scolaire (Dunod, 2009, 156 p., 25 euros).

Pour ces jeunes, le problème dépasse largement la difficulté d’apprentissage. "Ils sont dans un état de problèmes qui a une composante sociologique, une composante économique et une autre psychologique, explique M. Louis. Pour les sortir de là, il faut que l’enseignant soit aidé par d’autres professionnels."

Maryline Baumard

mis en ligne le vendredi 17 juillet 2009
par ML



  
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