Entrer à l’école maternelle
La rentrée la plus importante pour les enfants est sans conteste l’entrée à l’école maternelle, celle qui ne commence pas par un R. Pas de recommencement, c’est bien pour eux la première fois. En ce début du mois d’octobre, cette entrée est faite depuis un mois. Est-elle pour autant terminée ?
Cette première entrée inaugure une longue série de 15 ou 20 rentrées pour l’enfant... comme pour ses parents. Mais l’enjeu ne s’arrête pas là : cette première entrée dans l’école est pour beaucoup d’enfants la première socialisation. Peu nombreux sont ceux qui ont fait l’expérience de la crèche, de l’éloignement de la structure familiale pour une longue période, où l’on peut manger, dormir, pleurer, jouer, faire ses besoins... loin du regard de ses parents ou de sa fratrie.
Cet enjeu de socialisation continue une fois franchie la porte de l’école maternelle : socialisation par le jeu, qui ouvre l’expérience de la relation, des règles, de l’imaginaire... socialisation par la parole qui introduit aux codes de notre société. Il est surprenant de voir que cet enjeu - l’entrée à l’école par la socialisation - est masqué par des attentes implicites à l’égard de l’école. Des parents, des décideurs ont tout-à-fait intégré l’idée que la scolarisation sera longue. Du coup, ils admettent l’idée que les apprentissages commencent le plus tôt possible. On est bien alors dans une logique de pilotage par l’aval. C’est l’aval qui commande, en l’occurrence l’élémentaire pour la maternelle, le collège pour le primaire, les classes préparatoires pour le secondaire, etc.
La traduction en est bien connue pour les enseignants de maternelle et de CP : tout faire pour préparer les enfants à la lecture-écriture, sésame du métier d’élève. Pour que tous les enfants sachent vraiment lire et écrire, il est peut-être utile de prendre la mesure des enjeux de socialisation en lien avec les apprentissages. D’abord avec les enfants, surtout ceux dont les familles sont les plus éloignées de l’univers scolaire : rien ne sert de les soumettre à un stress en leur préparant des activités auxquelles ils ne peuvent mettre de sens. Ensuite avec les parents. Par exemple, il est parfois utile de dire aux mères et aux pères non francophones, qu’elles et qu’ils peuvent parler à leur enfant dans leur langue maternelle. Au moins les objets auront une existence pour l’enfant - avant d’avoir un nom français - et leurs parents se sentiront autorisés à tenir un rôle symbolique essentiel pour la scolarisation. Cette dimension-là est aussi vraie pour les parents francophones...
Pour « refonder l’école maternelle », la mission confiée à Alain Bentolila par le ministre est claire : "faire de l’école maternelle le premier rempart contre les inégalités linguistiques et sociales". "Elle doit retrouver sa spécificité dans l’organisation des apprentissages dès le plus jeune âge."
La logique d’organisation sera-t-elle encore pilotée par l’aval, comme le suggère la référence au rapport du Haut Conseil de l’Education sur l’école primaire ? Permettra-t-elle de lever la référence injustifiée à l’illettrisme, comme nous le dénoncions la semaine dernière ? La Ligue de l’Enseignement sera attentive aux propositions qui seront formulées.
Olivier Masson, chargé de mission Education à la Ligue de l’Enseignement