« Supprimer la carte scolaire n’améliorera pas la mixité »

« Supprimer la carte scolaire n’améliorera pas la mixité »

mercredi 30 mai 2007

Marco Oberti. MAÎTRE DE CONFÉRENCES À SCIENCES PO PARIS

Le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, met la dernière main à la réforme de la carte scolaire promise par Nicolas Sarkozy. Le dispositif visant à affecter les élèves dans un établissement proche de leur domicile ne fait plus l’unanimité : selon un sondage publié hier par « Le Parisien », 72 % des parents sont favorables à une suppression progressive. Mais sa réforme reste un casse-tête technique et politique. Xavier Darcos, qui a achevé hier sa tournée syndicale avec l’Unsa-éducation, la CGT et FO, se montre donc prudent. Pas de grande loi dans l’immédiat, mais une expérimentation nationale à la rentrée et une suppression étalée sur trois ans, le temps de « mettre en place des outils de régulation qui garantiront une vraie diversité sociale », affirme au « Parisien » le ministre. Les dérogations devraient être plus nombreuses et les boursiers prioritaires. « Cette mixité concernera surtout les quartiers aisés, car les établissements en difficulté ne pourront pas attirer les bons », objecte Patrick Gonthier, le secrétaire général de l’Unsa-éducation. Le sociologue Marco Oberti, auteur d’un récent ouvrage (*), pointe l’urgence d’une réforme.

La carte scolaire est-elle encore efficace ?

La carte scolaire est censée répondre à un double objectif : gérer les flux d’élèves et améliorer la mixité sociale. Or, ce deuxième but n’est pas atteint, car la carte ne s’applique pas de la même manière à tous. Dans les milieux populaires, elle est très efficace : seuls de 5 % à 10 % des parents la contournent. En revanche, les familles aisées s’en affranchissent facilement et sont de 45 % à 50 % à la contourner en milieu urbain. Paradoxalement, cet instrument démultiplie donc la ségrégation urbaine.

Faut-il la réformer ?

Il y a effectivement urgence, mais il ne faut plus penser la carte comme un mécanisme national. Selon qu’il s’agit d’un collège rural, de banlieue ou de centre-ville, les réponses ne sont pas les mêmes. En banlieue parisienne, il faudrait agrandir les secteurs à deux ou trois communes. En maintenant une sectorisation à l’échelle de la commune pour Clichy-sous-Bois ou Neuilly-sur-Seine, on ne peut espérer obtenir qu’une mixité toute relative ! Cela suppose d’améliorer les transports et de convaincre les familles modestes d’accepter une scolarisation plus lointaine. Il faut aussi associer l’enseignement privé sous contrat : il n’y a pas de raison que l’Education nationale finance un système qui déroge à ses règles.

Faut-il aller jusqu’à supprimer la carte scolaire ?

Cela me paraît aller un peu vite en besogne. Supprimer la carte scolaire n’améliorera pas la mixité sociale. Au contraire. Les collèges ne sont pas extensibles à l’infini et ne pourront pas satisfaire toutes les demandes. Ce ne sont donc pas les familles qui vont choisir, mais les établissements qui vont sélectionner. Les écarts entre eux risquent de s’accentuer, sauf si l’on crée des garde-fous et des dispositifs de contrôle.

Xavier Darcos veut rendre les demandes des boursiers prioritaires.

Le risque des dérogations est de vider les établissements de leurs meilleurs élèves et d’accentuer le cercle vicieux. Pour éviter la fuite des meilleurs et pour élargir les zones de recrutement, il faut impérativement homogénéiser l’offre scolaire. Arrêtons de penser que les collèges de ZEP doivent se spécialiser uniquement dans le soutien et l’aide aux élèves en difficulté. Il faut simultanément leur permettre de proposer des projets d’excellence.

Les Echos 30 mai 2007

mis en ligne le mercredi 30 mai 2007
par ML



  
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