Des parents s’offusquent d’une étude de la MGEN sur la santé mentale des écoliers.

Une enquête trop indiscrète dans les cartables parisiens

Par Véronique SOULE

« L ’embrassez-vous ? » interroge brutalement la question 15, qui complète plus loin : « Fouillez-vous ses affaires personnelles ? » La 24 demande si l’un des membres de la famille « a déjà eu l’habitude de vérifier, compter ou nettoyer de façon répétitive ».

« Au cours de l’année écoulée, lit-on à la question 30, combien de fois avez-vous eu besoin d’un premier verre pour pouvoir démarrer après avoir beaucoup bu la veille ? »

« Mal comprise ». En découvrant le questionnaire de la MGEN (Mutuelle générale de l’Education nationale) dans le cartable de sa fille, 6 ans, Sandrine n’en est pas revenue. Des dizaines de questions sondent la vie privée de sa famille, un alcoolisme par ci, une dépression par là, ou des problèmes psychologiques. Et on peut même lire : un membre de la famille « a-t-il déjà tenté de mettre fin à ses jours ? Si oui, est-il décédé ? ». Choquée, Sandrine a refusé de répondre.

Dans d’autres écoles parisiennes aussi, des parents ont protesté contre l’indiscrétion des questions et la peur de ne pas rester anonymes.

La FCPE-Paris, la première fédération de parents d’élèves, a alors contacté les chercheurs de la fondation MGEN pour en savoir plus. Ils sont venus expliquer leurs objectifs lors d’une réunion. Sans parvenir à convaincre tous les parents. Devant les remous, le 30 avril, la Ville de Paris, chargée de la santé scolaire, a suspendu l’opération. Un conseil de la FCPE prévu aujourd’hui pourrait être décisif : si les parents d’élèves maintiennent leur opposition, la ville pourrait abandonner. « On ne peut pas continuer une étude si elle est mal comprise », résume-t-on au cabinet de l’adjoint à la santé.

« Un numéro ». C’est l’histoire tout à la fois d’un vaste malentendu et d’un manque de respect vis-à-vis de parents sollicités pour une étude peu banale. Les chercheurs, convaincus de l’importance de leur recherche, se sont contentés d’une lettre d’explications, assurant notamment que toutes les garanties d’anonymat avaient été prises et approuvées par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés).

Le rectorat et la mairie de Paris n’avaient pas plus prévu l’ampleur des réactions. Les médecins et inspecteurs scolaires ont été informés. Mais rien de plus. Or toutes les parties reconnaissent aujourd’hui que le thème de la santé mentale est extrêmement délicat en France, encore plus lorsqu’il s’agit d’enfants, quasiment un tabou...

« Le fait que j’ai été déprimée ou que j’ai bu ne regarde pas l’Education nationale, tranche Sandrine. En plus on nous parle d’anonymat, mais le dossier de ma fille porte un numéro. C’est une marque de mépris de l’Education nationale. Le questionnaire demande au moins deux heures de boulot et remue des tas de choses à l’intérieur. » « Nous sommes tout à fait à l’aise pour répondre, explique Edouard Rosselet, inspecteur d’académie du premier degré. J’ai en effet donné l’autorisation de diffuser l’enquête dans les écoles, car il y avait toutes les garanties requises : la Fondation MGEN a pignon sur rue, et la Cnil avait donné son feu vert. En plus, cela se fait sur la base du volontariat. » L’inspecteur reconnaît toutefois qu’il y aurait pu avoir « une information plus complète adressée aux parents ». Fataliste, il rappelle qu’un récent questionnaire sur les poux a aussi provoqué des remous. Catastrophe.

A la veille de la réunion de la FCPE, les chercheurs refusent de s’exprimer ouvertement. Pour eux, un abandon serait une catastrophe. La santé mentale des enfants est peu étudiée, ils rêvaient de travailler sur des thèmes comme l’anxiété de la séparation ou la surprotection. Ils venaient d’obtenir de Bruxelles le feu vert pour mener des études similaires dans plusieurs pays européens. « Je comprends que certains ne veuillent pas répondre, mais pas qu’ils empêchent les autres », confie l’un d’eux.

mis en ligne le lundi 21 mai 2007
par ML



  
BRÈVES

Free counter and web stats

Warning: file_exists() [function.file-exists]: Unable to access /mnt/152/sdc/c/1/ul.fcpe.rueil//inc-public.php3 in /mnt/115/sdb/c/1/ul.fcpe.rueil/mqu/log.php on line 61