Nicolas Sarkozy veut traiter le mineur récidiviste comme un majeur

Pas un testament, mais une dernière révérence comme ministre de l’intérieur avant de se consacrer à l’élection présidentielle de 2007. Aussi Nicolas Sarkozy attache-t-il une importance toute particulière au projet de loi sur la prévention de la délinquance sur lequel le comité interministériel du 24 mai doit apporter les ultimes arbitrages avant transmission pour avis au Conseil d’Etat. Dans le contexte politique actuel qui mine l’action du gouvernement, même le calendrier revêt une importance inhabituelle : il déterminera en partie le choix du moment auquel le ministre d’Etat décidera de quitter le navire gouvernemental.

Depuis trois ans que l’avant-projet, maintes fois remanié, repose dans les tiroirs, M. Sarkozy n’entend pas, cette fois, se faire brûler la politesse. "Je voudrais que le texte soit présenté en conseil des ministres au mois de juin et qu’il soit soumis au Parlement avant l’automne", a-t-il déclaré devant les commissions des lois et des affaires sociales de l’Assemblée nationale qui l’auditionnaient conjointement mercredi 10 mai. Le ministre d’Etat avait en effet pris soin, avant même que le texte de l’avant-projet ne soit arrêté en interministériel, d’être entendu, seul et à sa demande, par les députés des deux commissions. De même, c’est à sa demande que le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale sera le président de la commission des lois en personne, Philippe Houillon (UMP, Val-d’Oise).

M. Sarkozy n’a rien négligé pour préempter un projet de loi qui engage les compétences d’une dizaine de ministères. Quitte à forcer la main de ses collègues du gouvernement pour qu’ils s’alignent sur ses propositions ou à reprendre à son compte certaines dispositions figurant dans d’autres textes. Ainsi, M. Sarkozy explique-t-il à propos du projet de loi sur la protection de l’enfance présenté le 3 mai en conseil des ministres par le ministre délégué à la famille, Philippe Bas, qu’"il n’aura aucun mal à s’intégrer dans mon texte s’il le souhaite".

"IMPUNITÉ PÉNALE"

Lors de cette audition du 10 mai, M. Sarkozy a livré les grandes lignes de cet avant-projet, la philosophie qui l’inspire et avancé quelques pistes sur lesquelles il entend l’infléchir. "Un mineur de 2006 n’a plus grand-chose à voir avec un mineur de 1945", a ainsi soutenu M. Sarkozy, pour qui "l’ordonnance de 1945 n’est plus adaptée". C’est sur cette ordonnance relative à l’enfance délinquante qu’est fondé le principe de la protection des mineurs : elle instaure la création d’un juge des enfants qui préside un tribunal spécifique et peut prescrire des mesures éducatives dont le suivi est assuré par des personnels spécialisés.

"Nous vivons dans la culture de répétition de mesures qui ne servent à rien, a estimé M. Sarkozy. Je me demande si un mineur récidiviste de plus de seize ans ne pourrait pas être considéré comme un majeur." En avançant l’idée d’un abaissement de la majorité pénale, il prône ainsi une véritable rupture avec un texte fondateur qui privilégie l’éducatif sur le répressif. Fidèle à son habitude, le ministre de l’intérieur n’a pas hésité à lancer ce ballon d’essai pour obliger la majorité à débattre sur le terrain qu’il a choisi, tout en sachant que ce choix est loin de faire l’unanimité dans les rangs mêmes de l’UMP. Le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, interrogé jeudi 18 mai sur "Questions d’info LCP-Le Monde-France Info", exprimait ses "plus expresses réserves" sur cette proposition.

Pour le ministre de l’intérieur, en matière de prévention de la délinquance, le problème principal réside dans l’"impunité pénale" dont bénéficient, selon lui, les mineurs : "la sanction est incontournable, elle est la première étape de la prévention". L’avant-projet de loi entend "compléter" la loi du 9 septembre 2002, qui a permis le placement des mineurs en centre éducatif fermé et inscrit la possibilité d’une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve. M. Sarkozy propose des mesures d’éloignement du mineur de son lieu de résidence, l’exécution de travaux scolaires et l’obligation d’un examen psychologique. Il souhaite également créer de nouvelles formes de sanction telles que l’"avertissement judiciaire" et l’obligation de réparer le dommage causé, en astreignant, si nécessaire, le mineur à une "activité de jour".

"Chaque fois que la société démissionne, chaque fois qu’elle fait preuve de faiblesse, et donc de complaisance, la violence franchit un pas de plus", estime M. Sarkozy. Pour appuyer son raisonnement il inclut dans un même panorama de la "montée de la violence gratuite", les violences urbaines de novembre 2005, les manifestations contre le contrat première embauche (CPE) et les statistiques de violences aux personnes. "Si on excuse la violence, il faut s’attendre à la barbarie", conclut le ministre de l’intérieur, s’en prenant cette fois à la gauche, dont il dénonce la "volonté obsessionnelle d’expliquer l’inexplicable".


Le Monde du 24 mai 2006

mis en ligne le mardi 23 mai 2006
par ML



  
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