Une pierre dans l’internat vitrine de Sarkozy à Asnières.

La Gazette des collégiens des Hauts-de-Seine, publication du conseil général, se fait l’écho ces jours-ci « d’un internat pas comme les autres ». Celui du collège François-Truffaut, à Asnières. En photo, sept garçons de cinquième, accueillis là grâce au conseil général. C’est le premier « internat pour la réussite », ouvert en septembre à l’initiative du président du département, Nicolas Sarkozy.

Sa vocation : offrir aux élèves les plus méritants, « mais perturbés par des difficultés rencontrées à la maison », la possibilité de réussir leur scolarité. C’est un fleuron du projet de loi sur la délinquance, défendu par le même Sarkozy et qui sera bientôt présenté en Conseil des ministres. Ce que la gazette ne dit pas, c’est que l’internat va fermer ses portes à la fin de l’année, après tout juste une année d’existence. Pour le conseil général, cet internat n’a jamais été autre chose qu’un ballon d’essai d’une année scolaire avant l’ouverture d’autres internats dans le futur.

Blagues et gages. S’il n’a officiellement aucun lien avec cette décision de fermeture, un incident grave est survenu à l’internat François-Truffaut le 4 janvier. Ce mercredi, l’assistant d’éducation chargé d’encadrer les pensionnaires reçoit les parents de l’un d’eux au rez-de-chaussée. A l’étage, les adolescents s’enferment à clé dans une chambre. Ils se racontent des blagues, et celui qui relate l’histoire la plus nulle reçoit un gage. D’après le conseil général, il y a dans la chambre deux meneurs, deux suivistes et un souffre-douleur. Qui prend des claques et se voit planter un stylo à bille dans les fesses en guise de gage, tandis que les autres prennent des photos avec un téléphone portable. Le principal du collège a fait un signalement au procureur. Celui-ci a confié l’enquête à la brigade des mineurs et attend les rapports d’expertises. Il n’exclut pas l’option pénale, en plus de mesures éducatives. Pour le procureur, il s’agit d’une agression à caractère sexuel, impliquant une « notion de bizutage ». Le conseil général évoque, lui, « un jeu imbécile et des gages scabreux ». Pour les parents des internes, « le choc a été terrible », raconte une enseignante du collège. « Si leurs enfants étaient restés chez eux, ils auraient peut-être rencontré des difficultés pour se concentrer sur leurs devoirs, mais n’auraient certainement pas vécu ça ! » L’affaire a fait peu de bruit. Les deux meneurs ont été exclus et renvoyés dans leur collège d’origine. Les suivistes ont écopé d’une exclusion de huit jours. Mais les enseignants de François-Truffaut ne décolèrent pas.

Pour eux, la précipitation du président du conseil général est en cause. En juin, ils prennent connaissance du projet d’internat. Pendant l’été, Nicolas Sarkozy débloque 40 000 euros au conseil général, « réquisitionne un bâtiment » et inaugure son tout premier « internat pour la réussite » en septembre. « Nicolas Sarkozy voulait aller plus vite que Jean-Louis Borloo, qui avait lui aussi des projets d’internat, raconte un syndicaliste de l’établissement. Il lui fallait monter très vite une opération médiatique. A la rentrée, il y avait des caméras tous les jours au collège. Les internes se croyaient à la Star Ac, se souvient le syndicaliste. Sarkozy a joué à l’apprenti sorcier. Il exploite les difficultés sociales des gens pour faire sa pub. Seule l’annonce compte, le suivi n’existe pas. »

Pluie de projets. Chargée des affaires scolaires au conseil général des Hauts-de-Seine, Isabelle Balkany, reconnaît qu’aucun bilan ne sera tiré de l’internat François-Truffaut : « Un échantillon de huit élèves, c’est trop restreint. » Ce qui compte à ses yeux, ce sont les projets à venir. Le conseil général annonce une pluie d’internats dans le département « d’ici à 2010 », à Asnières, La Garenne-Colombes, Bourg-la-Reine, Boulogne et Nanterre.

A Asnières, les travaux de construction d’un internat sont déjà en cours au collège Auguste-Renoir. Des enseignants s’en inquiètent. Le conseil général, propriétaire des murs, a fait évacuer le bâtiment A du collège Renoir et fait transférer six salles de classe dans des préfabriqués. Les travaux vont bon train. Ce deuxième internat pour la réussite doit être prêt pour la rentrée 2006. « Quid des statuts de cet internat, des critères de recrutement des internes, de son financement, des conventions signées entre l’Education nationale et le conseil général, des fondements idéologiques et pédagogiques d’une telle entreprise ? » interrogent des profs.

« Elèves méritants ». Au cabinet du recteur, on semble apprécier le dynamisme du président du conseil général. L’évaluation du dispositif et le suivi ne sont pas encore à l’ordre du jour. Les chefs d’établissement du département sont censés signaler à l’inspection académique les « élèves méritants » à orienter vers l’« internat pour la réussite » du collège Auguste-Renoir. Il comptera 32 places pour filles et garçons, un assistant d’éducation pour huit internes, une chambre pour deux avec salle de bain, une pièce commune avec télé et kitchenette, et des ordinateurs .

« C’est l’internat que j’aurais aimé connaître », s’enflamme Isabelle Balkany. Conseiller municipal PS à la mairie d’Asnières et conseiller régional, Sébastien Pietrasanta dénonce, lui, des internats qui « portent mal leur nom ». Pour lui, Sarkozy « impose des projets clés en main à des communautés éducatives qui n’y sont jamais associées. Ces internats demandent un encadrement et un suivi spécifiques des élèves. Mais, pour Sarkozy, c’est accessoire ».

LIBERATION

mis en ligne le mercredi 22 février 2006
par ML



  
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