« La nouvelle génération sera moins éduquée que la nôtre »

Entretien avec Samuel Joshua, professeur en sciences de l’éducation, qui rappelle l’opposition de tous les chercheurs au texte voté à l’Assemblée

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Comment réagissez-vous au vote de l’article du projet de loi permettant le travail de nuit dès quinze ans pour certaines catégories d’apprentis ?

Samuel Joshua. C’est la suite logique des décisions annoncées par ce gouvernement qui prend aujourd’hui prétexte de la crise des banlieues pour mettre en place un programme de destruction de l’école obligatoire jusqu’à seize ans. Ce programme était prévu de longue date par l’Europe : dans tous les pays de l’UE, l’idée s’est installée qu’il y avait trop d’école, pour trop de monde, pendant trop longtemps, et que c’était l’une des causes de la crise.

La solution ? Une école beaucoup plus ségrégative, en créant une cassure dès quatorze ans. Parmi les pays pilotes, on trouve l’Espagne, l’Italie et l’Angleterre, qui vient de supprimer les « Comprehensive School », l’équivalent de notre collège unique. Revenir sur l’école obligatoire va à l’encontre d’un mouvement pluriséculaire de progression constante de la scolarisation, de la certification scolaire et de l’âge de la scolarisation obligatoire. Et cela ne date pas de Jules Ferry, mais d’avant la Révolution française. Si, parfois, il y a eu des ralentissements et même une tentative de retour en arrière sous Pétain, il n’y avait jamais eu réellement de régression comme celle que nous connaissons aujourd’hui. C’est donc la première fois que les générations qui viendront après nous seront moins éduquées que les nôtres.

Selon Gilles de Robien, il s’agit d’une « autre voie de formation et de réussite »...

Samuel Johsua. Il s’agit surtout d’une expulsion des jeunes du système scolaire. En prétendant apporter une solution aux problèmes de ces enfants, on va les livrer au marché du travail à des conditions bien plus dégradées que le reste du salariat et sans aucune garantie de quoi que ce soit. Pourquoi les patrons embaucheraient plus facilement les enfants de quatorze ans que ceux de seize ans ? C’est un miroir aux alouettes. Ces enfants seront éjectés du système scolaire et davantage stigmatisés, puisqu’ils seront étiquetés comme « à problèmes ».

Les conséquences vont être dramatiques. Cela ne veut pas dire que la situation du système éducatif est excellente en ce moment. Mais ce choix gouvernemental va indéniablement aggraver les choses. Et il ne s’agit pas d’un avis partisan. Tous les chercheurs qui travaillent sur la question ont signé la pétition appelant à résister aux projets ministériels et désapprouvent cette orientation, car ils savent quelle catastrophe se profile.

L’Humanité

mis en ligne le mercredi 8 février 2006
par ML



  
BRÈVES

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