La violence dans les ZEP ne serait pas plus importante qu’ailleurs

La violence dans les ZEP ne serait pas plus importante qu’ailleurs

Le Monde.fr 28 mars 2005 Martine Laronche

Au-delà des agressions spectaculaires survenues lors des manifestations lycéennes contre le projet de loi Fillon, la violence fait partie du quotidien des jeunes. Près de la moitié des collégiens et lycéens se disent victimes de violences verbales, près d’un garçon sur quatre et une fille sur huit déclarent avoir reçu des coups.Et le phénomène va plutôt en s’aggravant, particulièrement pour les jeunes des lycées professionnels. C’est ce qui ressort d’un rapport inédit remis au ministère de l’éducation nationale en septembre 2004 et réalisé ­ dans le cadre d’une enquête européenne ­ par une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dirigée par l’épidémiologiste Marie Choquet.

ÉGAUX Parce qu’elles reposent sur les plaintes des victimes ou les déclarations des chefs d’établissement, les statistiques officielles de la police ou de l’éducation nationale sont imparfaites. Cherchant à remédier à ces lacunes, le rapport de Marie Choquet se fonde sur les déclarations de près de 17 000 lycéens et collégiens français, âgés de 12 ans à 18 ans. Ces jeunes ont rempli un questionnaire sur les conduites violentes dont ils avaient été les auteurs ou les victimes durant les douze mois précédant l’enquête, que ces violences se soient exercées dans le cadre de leur établissement scolaire ou à l’extérieur de celui-ci.

L’école est le premier lieu où s’exerce la violence. Mais tous les établissements ne sont pas égaux face à ce phénomène. Celui-ci touche fortement les élèves des lycées professionnels. Les dernières statistiques du ministère de l’éducation nationale montrent une aggravation de cette tendance : en novembre et décembre 2004, la violence a augmenté de 10 % dans les lycées professionnels, selon les signalements effectués par les chefs d’établissement, et diminué d’autant dans les lycées généraux et technologiques, par rapport à la même période en 2003.

Ce phénomène s’expliquerait, notamment, par "une orientation, en fin de troisième, des élèves violents, souvent en plus grande difficulté scolaire que les autres, vers ces filières", analyse Mme Choquet.

Les collégiens sont aussi très exposés. Mais, et c’est là un des éléments les plus étonnants du rapport de l’épidémiologiste, les élèves des établissements classés en zone d’éducation prioritaire (ZEP) n’apparaissent pas "globalement" plus violents que les autres collégiens. Certes, ils pratiquent plus la revente des objets volés et le racket, mais se disent moins touchés par la violence verbale et la dégradation de biens publics. C’est une nouveauté par rapport à la précédente enquête, qui date de 1999, quand la violence était plus importante parmi les collégiens des ZEP.

Cette évolution s’explique par un double mouvement, selon le rapport : "Une diminution de certaines violences parmi les élèves de ZEP et une augmentation parmi les élèves non ZEP." Pour Marie Choquet, "ces résultats montrent, indirectement, les effets positifs des actions de prévention. En effet, là où les actions ont été les plus nombreuses, c’est-à-dire en milieu urbain et en ZEP, la violence a été contenue, alors qu’elle s’accroît ailleurs, y compris dans les collèges ruraux et du secteur privé."

Ce constat se distingue des préjugés, mais aussi de certains travaux. Dans une enquête récente consacrée à la violence à l’école, le sociologue Eric Debarbieux avait montré que la perception de la violence était plus vive dans les ZEP, et surtout dans les établissements classés "sensibles", que dans les collèges ordinaires (Le Monde du 31 janvier 2004). "Nos travaux ne sont pas forcément contradictoires", explique Mme Choquet, qui fait la distinction entre les faits et le ressenti.

Au-delà de ce constat, le rapport révèle une violence omniprésente, qu’elle soit verbale ou physique : le tiers des jeunes interrogés déclarent avoir été mêlés à une bagarre, un sur cinq a donné des coups durant les douze derniers mois.

COMPORTEMENT SEXUÉ L’atteinte aux biens est elle aussi répandue : 20 % des élèves déclarent avoir "abîmé exprès des biens publics ou privés" ; 32 % des garçons et 29 % des filles ont volé dans une boutique. Plus rares, le racket concerne 2,4 % des garçons, l’agression d’un professeur 2 % des jeunes interrogés, et l’utilisation d’une arme "pour obtenir quelque chose de quelqu’un", 6 % des garçons et 1 % des filles.

Le phénomène va plutôt croissant : plus de la moitié des conduites violentes étudiées ont augmenté entre 1999 et 2003. Pour la plupart d’entre elles, cette progression reste relativement modérée, sauf pour la dégradation des biens publics ou privés (+ 40 %) ou l’utilisation d’une arme (+ 35 %).

La violence reste un comportement sexué : les garçons sont deux fois plus impliqués que les filles dans des bagarres individuelles ou collectives, des actes racistes, des vols d’objets de valeur... Et plus de la moitié d’entre eux avouent avoir récidivé au moins deux fois durant les douze derniers mois.

L’analyse de Marie Choquet infirme l’idée selon laquelle la violence aurait fortement augmenté chez les filles ces dernières années. "Les différences entre les sexes persistent, voire augmentent", commente l’épidémiologiste. Ainsi, entre 1999 et 2003, les comportements les plus délictueux (vendre des objets volés, utiliser une arme, frapper un professeur...) sont devenus plus "typiquement masculins". Par ailleurs, près de 10 % des filles déclarent avoir été victimes de violences sexuelles (9,4 %, contre 2 % pour les garçons). "En dix ans, cette proportion a augmenté de 40 % chez les filles, alors qu’elle est restée stable chez les garçons", commente la rapport.

Enfin, les auteurs identifient les facteurs de risque de la violence scolaire. Aimer ou pas l’école, être bon ou mauvais élève : ces critères prédisposent à être victime ou auteur. Les jeunes qui "n’aiment pas l’école" sont nettement plus violents que ceux qui "l’aiment bien" : ils sont deux fois plus nombreux à être auteurs de coups, de vol, de racket ou d’actes racistes. Les bons élèves ­ et surtout les très bons ­ risquent davantage de se faire insulter et, dans une moindre mesure, de se faire voler. Par contre, ils ont deux fois moins de risque que les mauvais élèves d’être victime d’actes racistes.

Il existe "un lien important et proportionnel entre l’absentéisme fréquent et les conduites de violences scolaires", souligne le rapport. A titre d’exemple, les absentéistes sont au moins deux fois plus nombreux à être auteurs de coups à l’école, quatre fois plus à commettre des actes racistes, cinq fois plus à voler à l’école, huit fois plus nombreux à y faire du racket...

Mais le facteur de risque le plus important est, de loin, la violence elle-même : les élèves qui ont subi des violences sont beaucoup plus nombreux (entre cinq et dix-neuf fois, selon les conduites) à être violents que les autres. Inversement, les élèves violents reçoivent également davantage de coups que les autres.

mis en ligne le samedi 7 mai 2005
par ML



  
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