L’école pour chacun ?

Il faut "personnaliser" l’éducation, répète Luc Chatel, l’actuel ministre de l’Education. Derrière ce terme, on trouve des initiatives très diverses, s’adressant de façon sélective à un petit nombre d’élèves, et qui s’opposent aux politiques universalistes mais aussi à l’action prioritaire menée dans des zones et des établissements spécifiques. Présentées comme une réponse à l’échec supposé des politiques égalitaristes, ces initiatives sont justifiées, Rue de Grenelle, par la nécessité de prendre en compte les différences entre élèves en matière d’apprentissage. Il s’agit de proposer à chacun l’aide dont il a besoin, la voie qui lui convient et les opportunités qu’il ou elle mérite.

En remplaçant l’objectif d’une école pour tous par celui d’une école pour chacun et en déplaçant la responsabilité de l’Etat vers les individus, ce discours rompt pourtant significativement avec les valeurs qui ont animé les politiques éducatives depuis l’après-guerre. Par ailleurs, connaît-on vraiment les effets des initiatives qui y sont associées ? Celles-ci peuvent-elles réduire l’échec scolaire et les inégalités sociales face à l’école, inégalités en aggravation constante depuis plusieurs décennies ? Il est permis d’en douter. En effet, leur efficacité est étroitement liée à trois conditions, largement absentes des dispositifs actuels.

Première condition : les liens indispensables entre ces initiatives et l’action pédagogique au quotidien. Le soutien aux élèves a peu de chances de contribuer à la lutte contre les inégalités si l’école ne s’attache pas à tout faire pour que, dès les petites classes, les élèves les plus éloignés de ses codes s’approprient les savoirs dans leurs échanges avec les enseignants. Cela signifie que ces actions ne doivent pas être menées à l’extérieur de la classe, sans lien direct avec ce qui s’y fait.

Deuxième condition : la souplesse des actions engagées. La sélection par les tests, la façon dont sont mis en oeuvre l’aide et les programmes personnalisés ne permettent pas de modifier la démarche afin de tenir compte des évolutions. Les routines institutionnelles risquent de contribuer bien davantage à la stigmatisation des élèves et à leur entrée dans des "carrières déviantes" qu’à leur réussite.

La troisième condition, enfin, renvoie à la nécessité de mener ces actions sans perdre de vue un autre objectif : favoriser l’acquisition par tous les élèves d’un ensemble commun de connaissances. Or ces dispositifs, notamment ceux qui s’adressent aux bons élèves "motivés" - par exemple les boursiers au mérite, dans le cadre de l’assouplissement de la carte scolaire, ou les élèves des internats d’excellence -, tendent plutôt à concentrer le même type de publics d’élèves dans le même type d’établissements et à confondre le renouvellement des élites, à travers la sélection précoce des meilleurs, avec la lutte contre les inégalités. Celle-ci suppose une action en direction à la fois de tous les élèves et de ceux pour qui tout n’est pas si simple.

mis en ligne le jeudi 8 décembre 2011
par ML



  
BRÈVES

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