Le pass contraception passe son test

Camille, dix-sept ans, est en terminale dans un lycée des Yvelines.

Ce 28 avril, elle accompagne une copine chez l’infirmière scolaire : à deux, elles se sentent moins intimidées. Le but de la visite ? Obtenir le pass contraception, mis en place l’avant-veille par la région ïle-de-France, en partenariat avec l’Education nationale et les communautés éducatives, dont elles ont entendu parler à la radio.

Parce que le planning familial, c’est bien, mais c’est un peu loin, et puis ce n’est pas toujours ouvert en dehors des heures où elles ont cours.

Ce jeudi-là, les deux adolescentes se retrouvent donc face à l’infirmière de leur lycée, et lui demandent poliment comment ça se passe pour obtenir ce carnet de coupons, et... « Quoi ? Mais en terminale, vous ne croyez pas que vous avez autre chose à faire que de coucher à droite à gauche ? C’est irresponsable ! ». La réponse de l’infirmière claque, sans appel.

Le lendemain, Camille et sa copine sècheront un cours pour faire le trajet jusqu’au planning familial, parce que cette contraception, elle en a vraiment besoin, la copine. La boucle est bouclée.

En une phrase, l’infirmière scolaire de ce lycée a balayé, de la façon la plus concrète qui soit, l’objectif de cette campagne (concept solide, communication efficace, bonne dose de récupération politique) : initier un parcours éducatif d’autonomie et de responsabilisation pour les adolescents, en termes de prévention et de contraception. Nouveauté de la mesure

Ce refus de la part d’une infirmière scolaire soulève une problématique intéressante et plutôt inattendue.

Certaines réticences de principe -exprimées notamment par le syndicat de parents d’élèves PEEP, qui estime qu’en matière de contraception, ce sont les parents qui doivent occuper une place centrale en vertu de l’autorité parentale exercée sur leurs enfants mineurs - avait été prise en compte.

Les acteurs à l’origine du dispositif avaient donc assuré leurs arrières en inscrivant leur démarche dans le strict respect des dispositions légales garantissant aux mineurs l’accès à la contraception sans autorisation parentale.

Mais personne ne semblait avoir anticipé une possible résistance en bout de chaîne : celle des infirmières scolaires.

Les infirmières scolaires auraient-elles les moyens de mettre en échec le bon fonctionnement du dispositif sous couvert de convictions personnelles, ou les procédures en place au sein de l’Education nationale permettent-elles de veiller à ce que les adolescents bénéficient, via ce pass, d’un accès à la contraception réellement facilité ?

Interrogée au sujet du refus de l’infirmière, la chef de l’établissement concerné a exprimé très clairement son souhait de voir les dispositions mises en place par le conseil régional et l’Education nationale scrupuleusement respectées. Précisant par ailleurs que la prise de position personnelle de l’infirmière était un incident isolé, sans doute dû à la nouveauté de la mesure, elle a affirmé ne pas contester le principe du dispositif dont la pertinence a été évaluée en concertation avec tous les partenaires concernés (conseil régional, ministère de l’éducation nationale, rectorats). Le but du pass contraception est de contrer les inégalités en matière d’accès aux moyens contraceptifs, constituant ainsi un complément qui va relayer les centres de planification et plannings familiaux. Chaîne hiérarchique

En amont même de la mise en place du 26 avril 2011, toutes les infirmières scolaires de la région Île-de-France ont donc eu le moyen d’accéder à une information complète. Les invitations aux réunions d’information concernaient aussi bien les établissements publics que les établissements privés sous contrats d’association avec l’Etat. Et au vu des réunions d’information auxquelles elles ont été conviées, il est d’ailleurs peu probable qu’elles le souhaitent.

De toute façon, les infirmières scolaires ne pourront pas faire obstacle à la mise en œuvre du pass contraception, quelles que soient leurs convictions personnelles. Concrètement, que se passe-t-il si l’infirmière scolaire refuse d’accéder à la demande de l’élève et de donner le pass ? C’est très simple : pas de marge de manœuvre si le pass est refusé avant tout entretien. L’élève peut alors se tourner vers un adulte de l’établissement (professeur, CPE, chef d’établissement ou tout autre adulte de confiance) et demander une remontée de l’information. Dans le cadre du pouvoir hiérarchique, il appartient au chef d’établissement de veiller à ce que son personnel exécute correctement les missions qui lui sont confiées. Le pass contraception n’est donc pas une possibilité laissée au bon vouloir des infirmières : elles ne peuvent le refuser arbitrairement aux élèves qui en font la demande.

En revanche, le pass est supposé être délivré au terme d’un véritable entretien, s’il apparaît que la demande de l’élève repose sur un besoin concret. La réalité de ce besoin sera déterminée par l’infirmière en fonction des renseignements recueillis. Formées pour accompagner les élèves dans le domaine précis de la prévention et la contraception, les infirmières sont de fait aptes à établir si la demande relève d’une contraception d’urgence, d’une démarche de prévention ou d’un réel besoin de contraception permanente (pilule, DIU, implant...), qui sera choisi en concertation avec le professionnel de santé. Feu vert pour l’accès à la contraception

Le pass contraception, composé de six coupons, n’est pas une contraception « distribuée » par l’infirmière scolaire, mais un feu vert pour l’accès à cette contraception, via un processus de suivi complet (consultation médicale, prise de sang et analyses biologiques, délivrance gratuite sur ordonnance en pharmacie, seconde consultation médicale, et renouvellement du contraceptif).

Le pass peut donc être refusé au terme de l’entretien, mais uniquement pour des motifs raisonnables, jamais en raison de convictions personnelles. Et si on se heurte à une vraie difficulté probatoire, en cas de contestation du refus par l’élève, il n’en reste pas moins que le pass contraception n’est pas un « possible » outil laissé à la discrétion des infirmières en fonction de leurs éventuelles barrières morales.

Gaëlle-Marie Zimmermann

mis en ligne le vendredi 6 mai 2011
par ML



  
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