Et si les cantines passaient au bio ?

En hausse de 25 % en 2008, le marché français du bio investit, pas à pas, notre quotidien. Aujourd’hui, ses bienfaits font largement consensus dans la société. Jusqu’à être officiellement reconnus d’utilité publique par le gouvernement français. Et l’agence bio est claire : « Les Français consomment bio chez eux mais également hors domicile. »

Parmi les actifs, ils sont en effet 38% à déclarer vouloir plus de produits issus de l’agriculture biologique dans leur restaurant d’entreprise. Du côté des parents d’élèves, ils seraient 78% à émettre le même souhait pour leurs chères têtes blondes à l’école.

L’idée

Doucement mais sûrement, par l’introduction d’un produit puis d’un autre, les restaurants collectifs se convertissent. Début 2009, un tiers d’entre eux proposent des aliments bio « au moins de temps en temps ». Selon les estimations, dans trois ans, ils devraient être sept sur dix.

Des chiffres encourageants qui auraient tout intérêt à augmenter tant ce type d’alimentation cumule les avantages. Riches et dénués de substances chimiques, les produits issus de l’agriculture biologique constituent également un moyen efficace de développer de petites filières paysannes exsangues.

Ne pouvant ignorer l’engouement des Français pour ce type de produits, le gouvernement s’est engagé, lors du Grenelle de l’environnement, à passer progressivement à 20% de produits biologiques d’ici à 2012 dans les commandes de la restauration collective publique d’Etat. « Un objectif vraiment ambitieux », d’après Eric Grunewald, chargé de mission Restauration collective et filière au sein de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). « Mais totalement irréaliste. Avec seulement 0,5% de produits bio au sein de la restauration collective aujourd’hui, on est encore très loin des 20% visés pour 2012 ! »

Au-delà des pourcentages et de l’effet d’annonce, c’est tout un système qu’il faut revoir. Potages en poudres, plats lyophilisés, omelettes congelées... Les restaurants collectifs n’ont plus rien des cuisines d’antan.

Comment la mettre en pratique

Ce combat contre la malbouffe, Philippe Renard en a fait une affaire personnelle. A la tête de la cantine d’un des plus grands groupes d’assurance belges, ce truculent personnage est parvenu à élaborer un menu quotidien à base de 85% de produits bio. Une performance assez rare dans la restauration d’entreprise pour être signalée. Lui qui a réussi à tripler l’effectif des convives confie : « Le véritable challenge n’était pas seulement de servir des repas de qualité, mais surtout de ne pas exploser le budget alloué : 3,51 euros par personne et pas un centime de plus ! »

Le bio, pas si cher

« Alors qu’il me fallait 25 kg de légumes conventionnels pour préparer 100 litres de potage, je n’utilise plus que 18 kg de légumes bio pour la même quantité de produit fini ! La différence tient dans la matière sèche, en plus grande quantité dans les produits naturels, alors que les fruits et légumes traités sont gonflés d’eau. »

A ce principe de base, Philippe Renard associe quelques pratiques de bon sens. Peu à peu, la proportion de viande est diminuée au profit des céréales et des légumes, moins coûteux, le pain bio est servi en moindre quantité mais s’avère plus nourrissant. Les filières courtes sont privilégiées. Ainsi, le surcoût des aliments à l’achat, de 20 à 25% en moyenne, se trouve largement amorti.

Outre cet aspect, la formation du personnel, l’aménagement du restaurant et notamment la réinstallation d’une légumerie (présente dans chaque cantine autrefois), nécessitent aussi un investissement. Or, si l’on reprend les chiffres de l’agence bio, les mêmes parents qui désirent plus de bio dans l’assiette de leurs chérubins (78%) ne sont plus que 6% à bien vouloir mettre la main au porte-monnaie. Encore un paradoxe français pour Stéphane Veyrat, directeur de l’association « Un plus bio » :« Les gens veulent les meilleures choses sans devoir payer plus cher. »

Il est important de rappeler que les prix de l’agriculture biologique représentent fidèlement la charge de travail des agriculteurs, soumis aux contraintes techniques et économiques d’un strict cahier des charges. Et comme le prouve l’expérience de Philippe Renard, une bonne gestion des marchandises peut conduire à un bon équilibrage du budget.

Une telle démarche ne s’improvise pas, comme en témoigne Stéphane Veyrat : « Nombreux sont les établissements qui introduisent une ou deux fois des denrées bio et arrêtent finalement par découragement. Aujourd’hui, 90 % des cantines servent moins de six repas bio par an. Or, ce qu’il faut, c’est une action sur le long-terme qui traduise un vrai changement de mentalité. Et surtout, il est nécessaire de renouer le dialogue entre producteurs, gestionnaires, cuisiniers, et même parents d’élèves. »

Comme ce fut le cas à Aigues-Mortes, où la crèche municipale « Gavroche » a pris le chemin du bio dès 2001. Un travail de longue haleine mais huit années plus tard, ce sont 40 petits convives qui profitent de menus 100% bio. Huit ans. C’est à peu près le nombre d’années qu’il a fallu à Philippe Renard pour parvenir à son résultat. Installer la filière

Second obstacle : l’approvisionnement. Entre une production saturée et une distribution défaillante, pas facile de s’approvisionner en produits bio.

Avec 2% de surfaces agricoles consacrés à l’agriculture bio, la France apparaît comme un des plus mauvais élèves européens. Résultat : l’offre se trouve éclatée sur tout le territoire et l’importation explose : 30% des produits bio consommés en France sont aujourd’hui importés.

« Livrer 30 kg de carottes pour une école qui fait 400 couverts à 80 km du lieu de production, ce n’est pas rentable, explique Eric Grunewald. Avec des volumes trop faibles et des commandes irrégulières, on se heurte vite à des problèmes de logistique. »

D’autant plus que la restauration collective est très contraignante : livraisons à horaires fixes, demandes extrêmement calibrées et exigeantes. Philippe Renard se souvient : « Au départ, je ne trouvais que des paquets de pâtes ou de céréales de 500 grammes. Difficile de cuisiner pour une centaine de personnes avec ça ! »

A force de mener campagne auprès des producteurs et des distributeurs, l’homme les a convaincus d’adapter leur offre aux professionnels de la restauration collective. Au final, c’est toute une filière bio qui s’est montée. Non sans mal.

Ce que je peux faire

Pour toutes ces raisons, Eric Grunewald conseille de bien réfléchir avant d’impulser une conversion dans un restaurant scolaire ou d’entreprise : « Ce n’est pas un choix à prendre à la légère. En plus de volonté, il faut savoir porter le projet par la suite. »

Et pour cela, mieux vaut être plusieurs. Les parents d’élèves, salariés, fonctionnaires ou simples citoyens peuvent s’y lancer, à condition de se fédérer au sein d’associations.

Véritables conseillers professionnels, les Groupements d’agriculteurs biologiques présents dans 78 départements en France, sont en mesure d’accompagner les restaurants scolaires, publics ou privés, depuis leur désir de conversion à la formation des cuisiniers, en passant par la recherche de producteurs.

Enfin, ce mois de juin, le WWF-France lance « Oui au bio dans ma cantine », campagne nationale de promotion des produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective scolaire. En plus d’une pétition, le site Ouiaubiodansmacantine.fr propose en téléchargement libre une « Lettre à monsieur le maire », ou à « madame la maire ». Objectif : remettre ces doléances aux édiles de toute la France le 18 juin pour les convaincre de privilégier le bio dans les cantines de leurs communes et ainsi inciter les producteurs locaux à passer au vert.

Photo : campagne du WWF « Oui au bio dans ma cantine » (DR).

mis en ligne le vendredi 19 juin 2009
par ML



  
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