"Ce que fait Xavier Darcos est catastrophique"

Le ministère de l’Education nationale a beaucoup communiqué, à la rentrée, sur la mise en place d’heures de soutien scolaire dans les écoles primaires... et moins sur les suppressions de postes d’enseignants spécialisés des Réseaux d’aides, qui viennent en aide aux enfants en difficulté. Une décision, confirmée fin septembre, qui fait bondir Bernard Delattre, secrétaire général de l’association Agsas qui regroupe des professionnels de l’éducation.

Avec seize organisations syndicales de l’enseignement, vous demandez au ministère de l’Education nationale de maintenir les Réseaux d’aides aux enfants en difficulté (Rased), composés de psychologues scolaires et d’enseignants spécialisés. Les déclarations de Luc Ferry sur Europe 1 annonçant la suppression programmée des Rased pour des raisons d’économies ont-elles motivé cet appel ?

Ce qu’a dit Luc Ferry n’a été que la confirmation des craintes que nous avions au sujet des Rased. Depuis la rentrée 2008, nous avions en effet déjà constaté que le ministère n’avait pas mis autant de postes que d’habitude en formation, et que cette diminution considérable touchait toutes les académies sans exception.

Après l’annonce de Darcos, la main sur le coeur, qu’il avait l’intention d’ajouter deux heures de soutien dans les écoles aux enfants en difficulté, nous n’imaginions pas qu’il allait en fait supprimer dans la foulée des postes de maîtres spécialisés des Rased, dits maîtres E (enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante pédagogique) et maîtres G (enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante rééducative).

Lorsque Xavier Darcos annonce l’ajout d’heures de soutien supplémentaires, il gagne la sympathie du grand public, mais derrière, il supprime l’accompagnement lourd. Qui peut être contre le fait d’ajouter deux heures pour aider les élèves ? Personne, bien évidemment. C’est un tour des passe-passe.

Vous ne pensez pas que ces deux heures de soutien hebdomadaires sont une bonne idée ?

Je ne dis pas ça. Plus on a de temps pour s’occuper des enfants, mieux c’est. Mais la méthode proposée ne peut en aucun cas être efficace. C’est tout de même un manque total de connaissance de la vie scolaire que de proposer deux heures de soutien, à caser dans la journée, soit le matin, soit le soir, soit pendant la pause déjeuner, et de supprimer les Réseaux d’aides dans lesquels on a des personnes formées pour ça, dont c’est le métier.

Que pensez-vous de l’annonce de Philippe Court -directeur de cabinet du ministre de l’Education nationale- de la réaffectation et la sédentarisation de 3000 postes de maîtres spécialisés pour remplacer les départs en retraites de certains enseignants ?

C’est une chose terrible. Le ministère n’a pas encore compris que ce n’est pas une question de chiffres mais une question de méthode. Il ne réfléchit qu’en terme de profits économiques, c’est une démarche comptable : où puis-je supprimer des postes et faire encore plus d’économies ?

Ce qu’on va faire à ces personnes, c’est horrible. Voilà des gens dont la vie est dédiée à l’aide des enfants en difficulté. Ce sont d’anciens instituteurs, des psychologues, qui sont sortis de leur classe pour leur formation, qui ont acquis un certain nombre de compétences, qui se sont investis personnellement pendant des années. Si on les oblige à réintégrer ces classes, humainement, ce sera une rupture. Ils vont le vivre très mal.

Bien sûr, théoriquement, le maître spécialisé est un ancien instituteur, mieux formé, ayant un autre regard, donc il peut remplacer un enseignant qui part à la retraite. Mais c’est dénigrer tout le travail qu’il a accompli.

Pourquoi les Rased sont-ils visés en premier par ces réductions de poste ?

La tentation était trop forte, parce que ce sont des postes cachés : le public ne connaît pas bien le rôle de ces enseignants qui s’occupent d’enfants en petits groupes. Lorsqu’on supprime des emplois dans une entreprise, lorsqu’on veut gratter quelques économies, on supprime en périphérie, on ne supprime pas les postes visibles. Si on supprime un poste d’instituteur, cela se voit, une classe ferme.

Or, ce que n’a pas compris le ministère, c’est que les Rased sont le support de l’Education nationale. Leur travail s’évalue à long terme. Dans quelques mois, on va se rendre compte que ce qu’a fait Xavier Darcos est catastrophique, en plus d’être méprisant pour la profession.

A titre d’illustration, les parents d’élèves ont reçu cette année un livret d’information du ministère de l’Education nationale intitulé "guide pratique des parents, donnons des couleurs à la réussite". A la rubrique "Comment votre enfant sera-t-il aidé ?", les Rased ne sont même pas mentionnés. Xavier Darcos ne pouvait pas faire plus symbolique. Les maîtres spécialisés ont donc décidé d’envoyer une lettre, eux aussi, aux parents d’élèves, pour dire qu’ils existent, même si le ministre de l’Education nationale n’a pas cru bon de parler d’eux.

mis en ligne le vendredi 10 octobre 2008
par ML



  
BRÈVES

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