Le parcours scolaire parfois chaotique des enfants surdoués

Un tiers des enfants dits "surdoués", "précoces", ou encore "à haut potentiel" connaîtraient de graves difficultés scolaires. Comment s’explique ce paradoxe ?

"L’enfant surdoué possède une intelligence qualitativement différente, explique Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne. Il active de façon privilégiée son cerveau droit, alors que les compétences du cerveau gauche sont plus en phase avec les apprentissages scolaires."

Grossièrement, le cerveau gauche, analytique, construit de façon linéaire son raisonnement, tandis que le cerveau droit, analogique, traite l’information en images et procède par associations d’idées. "Ainsi, poursuit la psychologue, la pensée du surdoué est globale, arborescente. L’information se distribue dans tout le cerveau, créant des associations d’idées qui s’enchaînent à une très grande vitesse." L’élève arrivera rapidement à trouver la solution d’un problème mathématique, mais sans pouvoir restituer le raisonnement logique qu’attend le professeur.

"La deuxième différence importante réside dans leur hyperactivité émotionnelle. Elle procède d’une vulnérabilité particulière de l’amygdale (neurones du cerveau situés dans le lobe temporal)", précise Mme Siaud-Facchin. Un incident mineur peut ainsi déclencher une crise émotionnelle. "Pour apaiser ces enfants, inutile de les raisonner, il faut les toucher, les contenir physiquement", conseille-t-elle.

Si l’on prend comme critère un quotient intellectuel d’au moins 130, on compte 1 élève surdoué sur 40, soit 2,5 % de la population. Sylvie Tordjman, pédopsychiatre, chef du service de psychiatrie de l’enfant au CHU de Rennes a créé, en décembre 2005, le premier Centre national de resssources pour les enfants surdoués en difficulté.

L’objectif est de mieux les repérer et de leur proposer une prise en charge thérapeutique. "Plusieurs clichés perdurent sur ces enfants, explique-t-elle. On croit, à tort, que l’hyperactivité avec déficit de l’attention dont ils souffrent plus que les autres est liée au fait qu’ils s’ennuient à l’école. En réalité, cette hyperactivité s’exprime davantage à la maison. Ils y ont recours pour augmenter leur niveau de vigilance, qui est relativement bas. En fait, ils s’hyperstimulent."

Du coup, l’idée qu’il faudrait les isoler pour qu’ils puissent se concentrer semble inappropriée. "Au contraire, ces enfants fonctionnent mieux dans un environnement enrichi en stimuli sensoriels", remarque Mme Tordjman. Ils peuvent aussi être en grande difficulté en petits groupes, souffrir de dévalorisation, et leur identité de surdoué - parfois renforcée par des parents hyperinvestis - peut augmenter leur décalage par rapport aux autres.

Différents, ces enfants nécessitent-ils une prise en charge scolaire particulière ? L’AFEP, Association française pour les enfants précoces, et l’Anpeip, Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces (les deux seules structures agréées par le ministère de l’éducation nationale), militent pour une meilleure prise en charge en milieu ordinaire.

"L’idéal, c’est de trouver une école où il peut y avoir un dialogue avec l’enseignant", considère Vlinka Antelme, présidente de l’AFEP. Hélas, c’est encore loin d’être le cas. L’AFEP recense environ 80 collèges (privés sous contrat davantage que publics) qui accueillent ces enfants. Mais, faute de place, les parents se tournent aussi vers des établissements hors contrat, coûteux (de 4 000 à 7 000 euros) et de qualité variable.

Souvent à l’aise au primaire, une partie des enfants précoces perdent pied à partir du collège. Anne-Marie François, professeur de français à Notre-Dame de Verneuil (Verneuil-sur-Seine) - un établissement privé sous contrat qui accueille des enfants précoces - met en oeuvre une pédagogie adaptée. "Le plus souvent, ces enfants à l’intelligence intuitive n’ont pas mis en place des stratégies d’apprentissage en primaire. Il faut leur donner des repères méthodologiques, leur fournir, si besoin, plus que le programmme pour alimenter leur curiosité, et les aider à se positionner dans le groupe social en leur proposant des activités collectives, intellectuelles, sportives, ou ludiques."

A Paris, le collège Janson-de-Sailly accueille, depuis 2004, des élèves surdoués en difficulté. "Ils sont intégrés dans des classes banales, mais une salle leur est réservée pendant leur temps libre", explique Geneviève Blaquière, coordinatrice du dispositif, qui inclut, depuis 2007, le collège Georges-Brassens. Ces jeunes, qui ont souvent été des victimes, y parlent de leurs problèmes et surtout pratiquent des jeux de construction ou de stratégie sur ordinateur. "L’essentiel n’est pas de les faire avancer plus vite. Les sauts de classe sont exceptionnels, explique Mme Blaquière. Nous cherchons à harmoniser leur développement et travaillons leurs relations aux autres."

Frédérique, professeur des écoles et mère de quatre enfants précoces, a connu des problèmes avec son aîné. "En moyenne section, l’enseignante l’a mis à l’écart, les autres élèves le maltraitaient." Jugé caractériel et inadapté, son enfant était, de l’avis de la directrice, "promis à la Segpa", une section de collège spécialisée dans l’accueil d’élèves en grande difficulté. Aujourd’hui, un baccalauréat scientifique en poche, il va intégrer une classe préparatoire aux grandes écoles avec deux ans d’avance. Après son expérience, sa mère estime "plutôt judicieux que les enfants précoces arrivent au collège avec une année d’avance pour que leurs besoins d’apprentissage soit plus en phase avec ce qui leur est proposé en classe".

Dans le droit-fil d’une circulaire du 10 octobre 2007, le ministère de l’éducation nationale devrait lister, à la rentrée prochaine, des préconisations pour la prise en charge de ces élèves. Martine Laronche

mis en ligne le jeudi 3 juillet 2008
par ML



  
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