Le carnet de notes du professeur Darcos

Les raisons de la colère

Le carnet de notes du professeur Darcos

Le 15 mai, le mouvement de grève dans la fonction publique est aussi un mouvement de profs. Il est vrai que le ministre de l’Education a ouvert beaucoup de chantiers qui fâchent... Petits calculs et grandes ambitions : revue de détail de la réforme

Les suppressions de postes

-  La situation 11200 postes disparaissent à la rentrée 2008 dans les collèges et les lycées, dont 8 830 d’enseignants. A l’origine, le budget 2008 prévoyait une réduction deux fois plus forte. Mais Xavier Darcos, dans un bras de fer avec le ministère des Finances, a pu limiter les dégâts. Gérard Aschieri, le secrétaire national de la FSU, la première organisation syndicale de l’enseignement, l’en a même félicité. C’était à l’automne dernier. La trêve est bien finie. Ces postes en moins sont devenus la pierre angulaire de la mobilisation.

-  Le débat Xavier Darcos minimise la mesure : « La diminution ne représente que 0,8% du nombre de professeurs, soit un poste en moyenne par établissement. » Les heures supplémentaires compenseront une partie de ces suppressions. A la rentrée, le nombre d’élèves par classe ne devrait pas augmenter (28 dans les lycées généraux et technologiques, 19 dans les lycées professionnels). Et le ministre plaide la nécessité d’une réforme plus globale : « Au lycée, nous avons déjà le meilleur taux d’encadrement d’Europe, et pourtant nos résultats ne sont pas bons. Rien ne sert d’augmenter encore les moyens. Il faut réfléchir à travailler autrement. » « Ces moyennes n’ont pas de sens, contestent les syndicats, relayés par les organisations lycéennes. Certains lycées vont perdre jusqu’à douze postes. » Ils rappellent que cette déperdition a commencé il y a trois ans et qu’elle doit se poursuivre. Le Snes-FSU avance le chiffre de 80 000 postes en moins, sur un total de 800 000 professeurs. « Une saignée infligée à l’école de la République », dit Jack Lang, l’ancien ministre de l’Education.

Le diagnostic de « l’Obs » Il est temps de penser autrement l’enseignement secondaire. Les jeunes Français ont plus d’heures de cours, plus de professeurs, et pourtant la France est plutôt moins performante que les autres pays de l’OCDE (en 2006, dans les évaluations internationales des élèves de 15 ans, elle s’est classée 17e sur 30) . Les cursus, trop lourds et trop abstraits, découragent des études une part non négligeable d’élèves. La plupart des pays d’Europe ont amélioré l’efficacité de leur système éducatif en repensant la pédagogie et les cursus. Mais lancer le mouvement en supprimant des postes, était-ce vraiment une bonne idée ?

Le service minimum

-  La situation Le service minimum à l’école a été testé une première fois, le 24 janvier. Avec un faible succès : une commune sur dix seulement a accepté d’organiser l’accueil des élèves dont les professeurs étaient en grève. Le ministère s’était engagé à payer les communes avec les retenues sur salaire des enseignants grévistes. 14 millions d’euros ont ainsi été versés après le mouvement de janvier. Malgré les tollés, Xavier Darcos a relancé le dispositif pour la journée de grève du 15 mai. Entre-temps, les élections municipales ont eu lieu, la gauche a raflé la mise, et Xavier Darcos s’est heurté à une fronde des maires socialistes.

-  Le débat

« Il s’agit d’une mesure à caractère social, destinée à aider les familles et les enfants, explique Xavier Darcos. Selon la Peep, la seconde fédération des parents d’élèves marquée à droite, les familles applaudissent. De leur côté, les syndicats et les villes de gauche dénoncent d’une seule voix « une entrave au droit de grève ». Manuel Valls, un des hérauts socialistes, a trouvé une astuce : il refuse le principe du service minimum tout en offrant « des solutions pour les parents » dans sa ville d’Evry.

Le diagnostic de « l’Obs »

Le 24 janvier, le service minimum a en effet bénéficié aux familles modestes. Il a atténué, sans l’annuler, la gêne occasionnée par la grève. Mais dans cette affaire, le ministre donne davantage le sentiment de jouer un coup politique que de rechercher une solution consensuelle qui ménage à la fois le droit des salariés et l’intérêt des familles.

La réforme du primaire

-  La situation

Le ministre s’est lancé dans un toilettage complet de l’école primaire. Plus de cours le samedi. Du soutien aux élèves en difficulté. Des programmes recentrés sur le français et les maths, avec des objectifs précis à atteindre. Et des inspecteurs non plus pour observer la leçon du professeur, mais pour vérifier ce que les élèves en retiennent.

-  Le débat Un rapport sévère du Haut Conseil de l’Education sur l’école primaire publié l’été dernier a pointé la fragilité des acquis des élèves : 15% d’entre eux sont en grande difficulté à l’entrée en sixième ; Xavier Darcos a donc pris un train de mesures. Elles ont été bien accueillies par les parents. Beaucoup moins bien par les syndicats et les associations pédagogiques. Leur opposition se cristallise autour des nouveaux programmes. Ils critiquent une « conception mécaniste des apprentissages » qui leur rappelle l’école de grand-papa. Ils dénoncent des programmes plus lourds, impossibles à suivre alors que le ministre a amputé de deux heures la semaine de cours. Et réclament, entre les lignes, davantage de considération. « Lécole n’a pas apprécié d’être désignée comme le maillon faible du système éducatif », résume Gilles Moindrot, le secrétaire général du Snuipp-FSU.

Le diagnostic de « l’Obs »

Sans doute le jeu, la découverte et l’expérimentation recommandés par la recherche en éducation ne sont-ils pas explicitement présents dans l’école telle que la conçoit Xavier Darcos. Mais mettre noir sur blanc, à l’intention de tous les parents, ce que l’enfant doit savoir, à chaque étape, et mettre tout en oeuvre pour que l’ensemble des enfants y parvienne va dans le sens d’une plus grande justice sociale.

La réforme du bac pro

-  La situation

Depuis six mois, le ministre travaille avec les syndicats pour revaloriser le lycée professionnel, qui scolarise le quart des élèves du second cycle. Avec plusieurs axes : simplification des filières pour « déspécialiser » les élèves (on passera de 35 à 17 secondes professionnelles), multiplication des passerelles avec l’enseignement technologique et réduction du cursus de quatre à trois ans, comme au lycée général et au lycée technologique. Les syndicats ne sont pas hostiles, mais les lycéens sont inquiets. Aussi la réforme a-t-elle été reportée à la rentrée 2009.

-  Le débat « Le cursus en trois ans est incitateur, car il met le bac pro à égale dignité du bac général ou technologique », assure-t-on dans l’entourage du ministre. Déjà 10 000 élèves expérimentent le bac pro en trois ans, dans les métiers de la métallurgie et dans le secteur tertiaire. Avec succès. « Mais certains élèves ont besoin de plus de temps », fait valoir Florian Lecoultre, président de l’UNL, l’Union nationale lycéenne. A la veille du 15 mai, le ministre a lâché du lest : le diplôme du BEP, dont les lycéens craignaient la disparition, est maintenu, et le bac pro pourra se faire en quatre ans, en fonction du niveau des élèves et des filières.

Le diagnostic de « l’Obs »

Toute modernisation de la filière pro ne peut se concevoir qu’en développant le soutien aux élèves les plus fragiles, ce qui semble être acquis.

La revalorisation du métier d’enseignant

-  La situation

Une commission sur la condition enseignante, présidée par Marcel Pochard, conseiller d’Etat, a rendu son rapport en janvier. Ce document offre des pistes de réflexion : accroître le temps de présence des professeurs dans l’établissement, augmenter leur rémunération en fonction des tâches assumées, renforcer le rôle du chef d’établissement dans l’animation des équipes. Elles ont été reçues comme une déclaration de guerre par beaucoup d’enseignants. D’autant que « la revalorisation n’a pas eu lieu », regrette Daniel Robin, secrétaire général du Snes-FSU, principal syndicat du secondaire. Reste néanmoins que le ministère a distribué deux fois plus d’heures supplémentaires (pour payer notamment les études dirigées et les stages de soutien en direction des élèves du primaire) que l’année dernière.

-  Le débat

Alors que les autres syndicats enseignants se disaient plutôt prêts à discuter avec le ministre de la réforme du métier, le Snes-FSU a rompu le dialogue. Il fait de la restauration des 11200 postes supprimés un préalable à toute discussion.

Le diagnostic de « l’Obs »

Les professeurs sont mal payés (2 300 euros à 2 450 euros pour les professeurs certifiés au bout de vingt ans de carrière, hors indemnités, qui peuvent aller jusqu’à 400 euros mensuels) . Il est urgent de relever leur salaire. Mais on voit mal comment ils peuvent refuser le principe de travailler davantage dans leurs établissements, comme cela se fait partout ailleurs en Europe. A charge pour l’institution de leur offrir un meilleur cadre de travail. En clair : un bureau.

Caroline Brizard Le Nouvel Observateur

mis en ligne le jeudi 15 mai 2008
par ML



  
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