La réduction des horaires divise les enseignants

La réduction des horaires divise les enseignants LE MONDE

L ’affaire est entendue : dès la rentrée 2008, les élèves du primaire ne travailleront plus le samedi matin, ce qui abaissera leur horaire hebdomadaire de classe de 26 à 24 heures. Xavier Darcos, le ministre de l’éducation, l’a confirmé, dimanche.

Objectif : "recentrer l’école primaire, [où] on se disperse beaucoup, selon lui, sur l’écriture, la lecture, le français, la maîtrise de la langue." Les écoliers français battent, de fait, des records de présence en classe avec leurs 936 heures annuelles, contre une moyenne OCDE de 769 heures pour les 7-8 ans et de 814 heures pour les 9-11 ans. Pour des résultats pas forcément meilleurs : selon une enquête internationale citée par le ministre, portant sur les compétences des élèves en lecture et en écriture, la France serait tombée "dans les 6 dernières places sur 40", désormais placée "derrière la Bulgarie".

Le collégien français, lui, ne travaille ni plus ni moins que ses voisins et, selon un sondage IFOP de juin 2006, 62 % des parents estiment que sa charge de travail est adaptée à son âge. En revanche, côté lycée, un rapport d’audit réalisé conjointement par Bercy et l’éducation rappelle que "l’horaire annuel du lycéen français est supérieur de 20 % à celui de ses homologues européens les plus performants. La charge hebdomadaire de travail de l’élève dépasse 45 heures". La sociologue Anne Barrère, qui a travaillé sur la question, confirme : "En moyenne, en plus des cours, les lycéens m’ont déclaré 11 heures de travail personnel, et les filles 2 heures de plus que les garçons".

Les deux heures libérées dans l’emploi du temps des enseignants du primaire (qui ne travailleront pas moins, mais différemment) doivent permettre d’individualiser au maximum le travail effectué avec les 15 % d’enfants qui ont le plus de difficultés. Barbara Lefebvre, professeur d’histoire-géographie dans un collège de banlieue, et coauteur de L’école sous influence (Audibert, 2005) ne voit pas d’inconvénient à une réduction des horaires en primaire : "En finir avec l’école du samedi et concentrer moyens et heures gagnés sur les cinq à six élèves les plus en difficulté me paraît une bonne idée."

En revanche, pour Jean-Michel Zakhatchouk, professeur de français en collège et membre des Cahiers pédagogiques, "la suppression du samedi risque de profiter à ceux qui ont des loisirs intéressants. Idem pour l’accompagnement éducatif, basé sur le seul volontariat et que les élèves les plus réfractaires ne choisiront pas. Mieux vaudrait travailler sur le temps efficace en classe. Deux heures de cours d’affilée, surtout en éducation physique et sportive, qui nécessite souvent une installation de matériel, c’est bien plus efficace que deux fois une heure. Et puis, ce qui fatigue les élèves, c’est l’inaction, la passivité. Lorsqu’ils sont en éveil, en activité, ils oublient la longueur et le poids des heures".

Dans une France nourrie depuis des décennies au "toujours plus", cette nouvelle logique de réduction d’horaires a du mal à passer, d’autant qu’elle interroge directement l’efficacité de l’enseignement public. "Travailler moins et apprendre mieux, je n’y crois pas du tout. Il y a un temps d’apprentissage incompressible", lance la présidente de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (Apmep), Pascale Pombourcq. "Prétendre que l’on apprendra mieux en travaillant moins est un impudent mensonge, dont le tour paradoxal vise à désarmer notre bon sens, s’emporte Laurent Lafforgue, mathématicien, lauréat de la médaille Fields et coauteur de l’ouvrage collectif La débâcle de l’école (éditions François-Xavier de Guibert, 2007). Il est désolant d’avoir à rappeler une évidence : plus on consacre de temps à l’étude, mieux on apprend."

A l’heure où l’on constate un désintérêt croissant des élèves pour les disciplines scientifiques, les enseignants de ces filières sont particulièrement inquiets des projets du gouvernement. "Que va devenir l’enseignement des sciences du fait de la pénurie de professeurs et des craintes sur la réduction des heures de cours ?", demande Pascale Pombourcq, qui rappelle : "aujourd’hui, même en S avec spécialité maths, on fait moins de maths qu’en C autrefois. On est passé de neuf heures en C à cinq heures et demie en S, spécialité maths. Même les profs de physique demandent que les élèves fassent plus de maths !" Quant aux comparaisons internationales, pour Laurent Lafforgue, "elles sont à prendre avec des pincettes puisque les systèmes éducatifs sont devenus médiocres partout : au pays des aveugles, les borgnes sont rois."

Maryline Baumard et Nicolas Truong

mis en ligne le jeudi 1er novembre 2007
par ML



  
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