Des lycéens dispensés d’"interro surprise"

Imaginez des questions d’évaluations dont le contenu serait connu par avance des élèves : il ne s’agit pas du rêve éveillé d’un écolier en difficulté mais d’une expérience menée au lycée Jacques-Prévert, à Pont-Audemer (Eure), par une dizaine d’enseignants.

La méthode : quelques jours avant l’évaluation, les professeurs donnent une liste de questions déjà traitées et corrigées en classe (exercices, définitions, études de textes...). Les élèves bénéficient d’une séance de questions-réponses pour éclaircir les points qui ne seraient pas compris. Ils savent que pour la plus grande partie de la note (des deux tiers aux trois quarts), les questions seront piochées dans cette liste. Le tiers ou le quart restant sera issu de questions non connues.

"Qu’on ne nous taxe pas de laxisme, cette méthode encourage le travail, assure Corinne Croc, enseignante de mathématiques. Les élèves sont motivés, s’impliquent davantage en classe et révisent à fond leur liste." Son jeune collègue Olivier Trapes insiste sur la "confiance" qui s’instaure en classe et crée "un cercle vertueux". "Les élèves savent qu’on ne cherchera pas à les piéger", insiste-t-il.

Ainsi Julien a vu passer sa moyenne de mathématiques de 9-10 en troisième à 12-13 en seconde. "Mes parents trouvent cette méthode excellente, assure-t-il. Et moi, je travaille plus." Adrien, lui, avait renoncé, l’an dernier, à ouvrir ses manuels de maths ; en seconde, cette méthode d’évaluation lui a permis de décrocher la moyenne. Romain se réjouit, pour sa part, qu’il en soit fini "des questions pièges à deux balles".

"L’arrivée en seconde est un passage difficile pour les élèves, qui voient leurs notes baisser, explique le proviseur, Bernard Le Dilavrec, qui encourage cette expérience. Tout ce qui peut les mettre en confiance me semble utile. Avec cette méthode, les lycéens savent que, s’ils travaillent sérieusement, ils auront la moyenne."

La méthode ne risque-t-elle pas de favoriser une réussite factice des élèves ? "Il faut être attentif à l’évaluation de cette expérience, estime M. Le Dilavrec. Les premiers résultats sont encourageants." Ainsi, les lycéens qui avaient bénéficié de cette méthode en 2006 ont eu au premier trimestre des résultats équivalents - sinon meilleurs - à ceux de leurs camarades qui avaient eu des évaluations classiques.

"LÉGÈRETÉ SCIENTIFIQUE"

Professeur de mathématiques à l’université Paul-Sabatier et à l’Ecole nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace (Supaéro), à Toulouse, André Antibi est à l’origine de ce système, qu’il appelle l’évaluation par contrat de confiance. Selon lui, quelques milliers d’enseignants auraient déjà adopté ce système censé corriger "l’échec artificiel" dont seraient victimes une partie des élèves. "Sous la pression de la société, les professeurs se sentent obligés de mettre un certain nombre de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau, pour être crédibles", assure-t-il. Un phénomène qu’il qualifie de "constante macabre", du nom d’un de ses livres paru en 2003 (Math’adore).

Pour Denis Maufay, professeur de sciences de la vie et de la Terre (SVT) au lycée Jacques-Prévert, l’existence de cette "constante macabre" ne fait pas de doute. "Quand j’étais à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) au milieu des années 1980, on nous apprenait que, pour un bon devoir, la moitié des notes devaient tourner autour de la moyenne, les autres se répartissant entre des notes très bonnes et très faibles", explique-t-il.

"Dans le temps, renchérit son collègue Philippe Germain, lui aussi adepte de l’évaluation par contrat de confiance, je donnais, à l’occasion des évaluations, des exercices originaux plus durs que ce qu’on avait étudié en cours. Cela pouvait décourager les élèves moyens."

Le principal syndicat des enseignants du second degré, le SNES, souligne "la légèreté scientifique" des travaux d’André Antibi et conteste l’existence d’une "constante macabre". "Je ne vois pas l’intérêt de donner les mêmes exercices avec les mêmes données aux élèves, explique Roland Hubert, secrétaire national du SNES. Le seul point positif de l’évaluation préconisée par André Antibi, c’est de mieux expliciter les attentes des enseignants."

Au ministère de l’éducation nationale, on précise qu’une réflexion sur l’évaluation est en cours, en rapport avec la mise en place du "socle commun" que tout élève est censé maîtriser à l’issue de sa scolarité obligatoire. "Il faut, souligne-t-on au ministère, que l’élève ait une meilleure compréhension de ce qui est attendu de lui, non seulement en termes de connaissances mais aussi de compétences et d’attitudes."

Martine Laronche

mis en ligne le mardi 22 mai 2007
par ML



  
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