L’école d’antan fait encore rêver

mercredi 25 avril 2007

Un collectif d’associations réuni hier à la Sorbonne a adressé un appel contre la « massification ».

Chaque année, à l’entrée en sixième, entre 25 et 30 % des élèves français savent à peine lire et écrire. Pour les maths, ça n’est guère plus brillant. Deux tiers ne maîtrisent pas la règle de trois, pourtant si pratique. En calcul mental, près de 60 % ne savent pas dire combien font 60 divisés par 4. Même en posant les opérations, le niveau reste faiblard : 70 % des élèves sortant du CM2 ne savent pas multiplier 27 par 23,5.

Les animateurs de l’Appel pour la refondation de l’école ­ les mathématiciens Jean-Pierre Demailly et Laurent Lafforgue, titulaire de la médaille Fields, ou encore l’instituteur Marc Le Bris ­ réunis hier à La Sorbonne, ont dressé, un portrait apocalyptique de l’école primaire, à l’origine, selon eux, de la décadence de tout l’enseignement. Le collectif, qui rassemble onze associations dénonçant une « catastrophe éducative » , a adressé un appel aux deux candidats à la présidentielle. Parmi les 10 000 signataires de ce texte, se côtoient des gens aussi différents que Jean-Pierre Chevènement, le professeur au Collège de France Marc Fumaroli, Jacqueline de Romilly et Jean d’Ormesson de l’Académie française, l’historien Alain Besançon, le philosophe Robert Redeker, etc.

Le Collectif pour la refondation de l’école réclame de nouveaux programmes scolaires, avec des cours structurés comme avant et non plus des « séquences découvertes ». Il souhaite une liberté pédagogique pour les maîtres, qui seraient jugés sur leurs résultats et non plus sur leurs méthodes. Et un niveau d’exigence supérieur, avec la possibilité de faire redoubler le CP ainsi que le CM2.

Militants trahis. Ces associations sont devenues un vrai groupe de pression. Elles avaient cru trouver un allié en Gilles de Robien, le seul ministre UDF du gouvernement sortant, qui ne jurait que par le retour aux « fondamentaux », c’est-à-dire aux connaissances de base. Jean-Pierre Demailly a d’ailleurs figuré parmi les experts consultés pour réformer l’apprentissage du calcul. Frédéric Guillaud, un autre animateur du collectif, est brièvement passé au cabinet du ministre. Mais ces militants se sont sentis trahis. Les circulaires d’application des réformes ont en effet été édulcorées. « Le pire, c’est la grammaire : il n’est même pas fait mention de l’analyse du mot », regrette Le Bris.

Précisant parler en son nom, Laurent Lafforgue a carrément réclamé un grand nettoyage du ministère : « Le salut de l’école demande que la direction du ministère soit renouvelée. Les hauts fonctionnaires sont des généraux vaincus qui ont conduit l’armée à la catastrophe. » « Pour diriger l’école », a-t-il lancé, « les associations attachées à l’instruction » doivent prendre les choses en mains.

« Il faut parfois écouter les Cassandre » , a plaidé Marc Le Bris, instituteur dans un village d’Ille-et-Vilaine. Il faut dire que les interventions à la Sorbonne n’étaient guère encourageantes. Lafforgue, citant la lettre d’un ingénieur, a évoqué les problèmes de compréhension mais aussi « la maladresse des gestes, notamment pour tenir un crayon » des apprentis qui ne comprennent pas les consignes. Le Bris a expliqué qu’il venait de corriger le mémoire d’un étudiant qui confondait « "é" et "er" à cause de la méthode globale qu’il avait eue au CP ». Un autre a assuré qu’en deuxième année de maths-physique, la plupart ne connaissent pas le théorème de Pythagore. « Ce n’est tout de même pas l’école d’aujourd’hui », a protesté une professeure d’histoire-géographie membre du PS. En vain.

Rhétorique méritante. Bien qu’elles s’en défendent, ces associations avancent des solutions ­ apprendre par coeur de grands textes littéraires, revenir aux vrais cours d’éducation civique ­ qui renvoient à un passé mythique où l’ascenseur social fonctionnait. « La France a eu la meilleure école du monde jusque dans les années 1970 », a tranché un participant. Le problème, c’est que depuis, il y a eu la « massification » : tous les jeunes vont désormais jusqu’au brevet. Pour les grands syndicats de l’éducation, c’est un acquis incontestable. Pour ces associations, en revanche, le collège unique a contribué au déclin. Le collectif refuse de se prononcer sur ses préférences politiques. Les groupes qui le composent viennent de divers horizons. Leur rhétorique, très « méritante », les fait plutôt pencher vers Sarkozy. « J’ai deux élèves, dont les parents sont éleveurs de poulets, qui vont entrer dans des écoles bilingues », s’est félicité Marc Le Bris.


Libération du 25 avril 2007

mis en ligne le mercredi 25 avril 2007
par ML



  
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