Ecole : redoubler à la française

Le redoublement ne sert quasiment à rien, sauf, peut-être, au lycée. Toutes les études l’attestent, et pourtant la France s’obstine dans cette pratique. Elle est en tête des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en ce qui concerne le redoublement des élèves, rappelait le rapport annuel de l’organisation, Regards sur l’éducation 2006 (Le Monde du 14 septembre 2006). En 2003, 38 % des élèves français âgés de 15 ans avaient déclaré avoir redoublé au moins une fois.

La loi d’orientation du 23 avril 2005 sur l’avenir de l’école, dite loi Fillon, a légitimé une pratique dont on connaît les effets néfastes. Avec toutefois une condition à l’école primaire : "Lorsqu’un redoublement est décidé et afin d’en assurer l’efficacité pédagogique, un programme personnalisé de réussite éducative est mis en place", prévoit le décret d’application sur les dispositifs d’aide et de soutien à l’école.

Plus un redoublement est précoce, plus les effets en sont néfastes. Christian Forestier, inspecteur général de l’éducation nationale, ancien président du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, qualifie cette pratique de "véritable génocide pédagogique". "Un élève qui redouble au cours préparatoire ou au cours élémentaire première année a près d’une chance sur deux de sortir de l’école dix ans plus tard sans diplôme", écrit-il dans son dernier ouvrage (Que vaut l’enseignement en France ?, mars 2007, Stock, 280 p., 18,50 €).

En 2005, l’étude menée par l’Institut de recherche sur l’éducation (CNRS-université de Bourgogne) est venue confirmer ce qu’on savait déjà depuis les travaux publiés en 1983 par Claude Seibel, ancien chef du service des études informatiques et statistiques du ministère de l’éducation nationale : les élèves qui redoublent leur CP réussissent moins bien que les élèves de même niveau admis dans la classe supérieure (CE1).

En fait, les enseignants ne modifient pas leurs pratiques pédagogiques, et l’enfant qui redouble va connaître les mêmes difficultés au même moment. Par ailleurs le fait de passer dans un niveau supérieur semble stimuler davantage les élèves. "C’est une des grandes faiblesses du système scolaire français : on ne sait pas suffisamment aider les élèves en difficulté", reconnaît Philippe Niemec, secrétaire national du syndicat SE-UNSA.

Les syndicats doutent néanmoins de l’efficacité des dispositifs de soutien individualisé prévus par la loi Fillon pour aider les élèves en échec scolaire. "Les établissements scolaires n’ont pas bénéficié de moyens supplémentaires pour mettre en oeuvre ce soutien", déplore le SNES, principal syndicat des professeurs des collèges et des lycées. "Il nous faudrait plus de maîtres que de classes dans les écoles pour intervenir auprès des élèves en difficulté", considère Bernadette Groison, du Snuipp-FSU, syndicat des enseignants du premier degré.

Depuis le début des années 1990, les redoublements ont diminué de manière constante sous l’impulsion des recteurs et des inspecteurs de l’éducation nationale. Ils sont passés de 10 % en 1996 en sixième et en cinquième à respectivement 7,2 % et 3,6 % en 2005, de 8,5 % en 1992 en CP à 7,2 % en 2000. En revanche, leur taux reste très élevé en seconde, le niveau de l’enseignement secondaire où on redouble le plus, avec 14,7 % en 2005 contre 15,8 % en 1993.

A ce niveau, redoubler peut néanmoins avoir une certaine efficacité. Selon une étude parue en juillet 2004 dans la revue Education et formations, 79 % des élèves qui avaient redoublé leur seconde générale ou technologique obtenaient leur baccalauréat. "Globalement, cette pratique n’est pas satisfaisante", considère Philippe Guittet, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN).

D’autant que les redoublements pèsent sur le budget de l’Etat. De l’ordre de 2 milliards d’euros par an. Pour endiguer le phénomène, M. Guittet propose la mise en place d’une contractualisation : les établissements s’engageraient à réduire les redoublements, en contrepartie de quoi le ministère maintiendrait les moyens ainsi économisés. Ceux-ci pourraient être consacrés à la mise en place d’un soutien individualisé.

En attendant, les parents ont toujours la possibilité de faire appel de la décision des conseils de classe.

Martine Laronche

mis en ligne le mercredi 14 mars 2007
par ML



  
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