Un rapport (encore !) controversé de l’Inserm sur les "troubles des apprentissages"

L’Inserm devait rendre publique, vendredi 16 février, une "expertise collective" sur les troubles précoces des apprentissages qui, avant même sa publication officielle, suscite des controverses.

Intitulée "Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie, bilan des données scientifiques", cette expertise se trouve au croisement de deux polémiques récentes : l’une sur l’apprentissage de la lecture, l’autre sur la question du "dépistage" précoce des "troubles du comportement". Sur ce dernier thème, un précédent travail de l’Inserm avait déclenché de vives protestations, marquées par la pétition "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans", en 2006, puis par sa condamnation par le Comité national d’éthique (Le Monde du 8 février 2006).

La nouvelle expertise porte sur les troubles spécifiques des apprentissages. Fondée sur une analyse de la littérature scientifique disponible, elle est signée par une douzaine d’experts, en majorité neurologues et psychologues cognitivistes. Parmi ces derniers figurent Michel Fayol (CNRS), Jean-Emile Gombert (Rennes-II), Franck Ramus (Ehess) et Liliane Sprenger-Charolles (CNRS). Ces experts avaient été cités par Gilles de Robien à l’appui de ses mesures sur l’apprentissage de la lecture, avant que la plupart d’entre eux ne finissent par protester contre l’usage, à leurs yeux abusif, de leurs travaux par le ministre de l’éducation.

Les auteurs du rapport précisent que celui-ci "ne prétend pas aborder l’ensemble des problématiques relatives à l’échec scolaire". Les troubles étudiés, qui "ne peuvent être attribués ni à un retard intellectuel, ni à un handicap sensoriel, ni à une pathologie psychiatrique avérée (...), se rencontrent chez les enfants de tous les milieux socioculturels" et concernent "environ un quart des enfants en échec scolaire".

"RHÉTORIQUE SCIENTISTE"

Pour mieux les prendre en charge, le rapport préconise la mise en place à l’échelle régionale de "réseaux de santé multidisciplinaires". Les auteurs proposent aussi de développer la prévention en milieu scolaire grâce à des tests étalonnés selon l’âge de l’enfant et permettant de "détecter" les "signes prédictifs" des troubles. Quant aux mesures "de rééducation et d’entraînement spécifiques aux fonctions cognitives", ils soulignent qu’il n’existe aujourd’hui que des "données partielles" et que la "grande variété" des méthodes "incite à la plus grande vigilance". Le rapport suggère d’"approfondir les connaissances sur les apprentissages scolaires et les troubles" et prône le développement "d’études à visée épidémiologique et préventive" mettant en jeu "des équipes mixtes, éducatives et scientifiques". Les auteurs se prononcent aussi pour la création d’une instance indépendante de "validation" des outils de diagnostic et de soins.

Malgré ces précautions et la réputation universitaire des signataires, le concept de "repérage" des troubles précoces, ainsi que leur attribution à des "déficits en partie génétiques" peuvent réveiller des querelles où chaque camp accuse l’autre de mêler l’idéologie à la science. "A nouveau, on confond prévention et signe prédictif, écrit le psychanalyste Roland Gori, qui proteste contre cette "rhétorique scientiste". "On ignore les effets des contextes culturels, socioéconomiques et pédagogiques", ajoute-t-il.

Se déclarant "d’accord" avec la création de réseaux de professionnels et d’une instance indépendante, le professeur Hubert Montagner, expert en psychopathologie du développement de l’enfant et directeur de recherches à l’Inserm, n’en juge pas moins que ce rapport a été réalisé "à la va-vite" sur un sujet "très complexe". " Les experts ne prennent pas en compte une des causes déterminantes des troubles : la sécurité affective", regrette-t-il.

Luc Cédelle LE MONDE 17/02/2007

mis en ligne le dimanche 18 février 2007
par ML



  
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