Le rapport sur les sectes critiqué

Raphaël Liogier, sociologue, critique les méthodes pour lutter contre les dérives sectaires : « Apporter des preuves avant de stigmatiser » Par Julie LASTERADE

Raphaël Liogier, sociologue, professeur à l’IEP d’Aix-en-Provence, directeur de l’Observatoire du religieux et auteur d’ Une laïcité « légitime », la France et ses religions d’Etat. Selon lui, les méthodes utilisées pour lutter contre les dérives sectaires en France sont « arbitraires » et inefficaces.

Les auteurs du rapport parlementaires s’inquiètent du sort des enfants dont les parents appartiennent à un mouvement considéré comme secte. Qu’en pensez-vous ?

Il n’y a pas de secte qui soit a priori dangereuse en France.

Toutes les études sociologiques ont prouvé qu’il n’y a pas plus de dérives dans ces groupes-là que dans d’autres groupes qui ne sont pas religieux. Et les parlementaires ou la mission interministérielle n’ont mené aucune enquête sérieuse pour démontrer le contraire. S’ils recensent 40 000 enfants parmi les témoins de Jéhovah, ils en concluent que 40 000 enfants sont en danger. Or, s’il y avait un vrai problème, on observerait des cas de maltraitance, de sous-éducation, etc. On aurait des remontées via les assistantes sociales ou l’Education nationale. Je ne dis pas que cela ne peut pas arriver, mais, quand ils existent, ce sont des cas particuliers qui n’ont rien à voir avec le fonctionnement général de la secte.

Dans ce cas, pourquoi lancer une mission pour étudier l’influence des sectes sur les mineurs ?

Parce que les sectes représentent le bouc émissaire idéal. On les imagine tentaculaires, incontrôlables. Après avoir tenté sans succès de les coincer sur leurs finances, on tente maintenant de dire que leurs enfants sont manipulés, car c’est un sujet ultrasensible d’un point de vue émotionnel.

Comment repérer les dérives ?

En cessant d’être dans le vague, en réagissant de façon plus rationnelle. Il faut être vigilant sur les associations qui pourraient vraiment dériver, comme celles avec un projet fondé sur le racisme ou bien celles qui concentrent le pouvoir sur une seule personne et dont les adeptes sont dans un abandon total à leur chef. Pour les repérer, il faut des enquêtes scientifiques et sociologiques. Il faut apporter des preuves avant de stigmatiser, et cesser de s’appuyer sur des dénonciations tous azimuts, sans enquêtes à charge et à décharge. Sinon, on plonge dans l’arbitraire, on aboutit à des mesures discriminatoires, et on crée des problèmes de liberté publique plus importants que ceux qu’ils sont censés résoudre.

LIBERATION

mis en ligne le jeudi 21 décembre 2006
par ML



  
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