L’école dont ils rêvent

L’école dont ils rêvent

Surprise : selon un sondage de la Sofres pour les Editions Nathan, parents et enseignants sont plus modernistes qu’on ne le croyait.

Ils sont prêts à faire bouger le mammouth. Mais en douceur...

Aux oubliettes, l’école de l’après-guerre, avec ses élèves en tablier, « Rosa, rosa, rosam... » et ses classes au parfum d’encaustique ! Contrairement au discours ambiant, parents et profs sont d’accord pour enterrer le modèle ancien quand ils imaginent l’école de demain.

C’est l’une des principales révélations du sondage - plus de cent pages de tableaux détaillés - que la Sofres a réalisé pour Nathan auprès des parents et des enseignants fin septembre, et dont « le Nouvel Obs » a eu la primeur. Cette étude sert d’ancrage aux Entretiens Nathan, grand-messe annuelle des professionnels de l’éducation, qui se tient samedi 14 octobre à Paris (1). Le thème ? « Quel avenir pour l’école ? ».

S’ils ne confessent aucune nostalgie particulière pour l’école d’antan, les sondés ne vont pas jusqu’à s’enthousiasmer pour celle de leurs enfants. Ils sont une maigre majorité, 52% des parents et 54% des enseignants, à trouver que l’école va mieux aujourd’hui qu’il y a un demi-siècle. Et cela pour des raisons bien précises : la qualité du matériel pédagogique, d’abord ; l’évaluation des acquis (67% des professeurs estiment les notes plus justes) ; la pédagogie, aussi. Les parents jugent que les langues vivantes, les sciences, les arts plastiques et même les mathématiques sont mieux enseignés que par le passé... Le navire éducation a donc plutôt le vent en poupe, même si ça grince dans les soutes : quand 67% des enseignants du primaire s’estiment satisfaits de l’évolution depuis cinquante ans, ils ne sont plus que 44% dans le secondaire. On le sait, le collège unique reste le maillon faible du système, il résiste au changement et, dès la sixième, les professeurs ont à gérer des classes de plus en plus intenables.

Restent les points noirs, ceux qui alimentent le débat public. Pour une écrasante majorité des parents, les enfants apprennent mal la lecture et l’écriture, la grammaire et l’orthographe. Les quatre piliers de l’école républicaine sont branlants. C’est le leitmotiv des détracteurs de l’école, ceux qui justement se baptisent « les républicains ». Autre sujet d’inquiétude : 84% des sondés, profs et parents unis, déplorent la perte d’autorité du maître. Ils sont presque aussi nombreux à constater que l’école ne transmet plus de valeurs morales et civiques. « Par respect pour les différencesde cultures de leurs élèves, les enseignants s’abstiennent généralement de transmettre une norme morale », analyse la sociologue de l’éducation Agnès van Zanten (2). Ces constats d’échec viennent alimenter le sentiment diffus que l’école traverse une passe délicate - 58% des parents, 65% des enseignants pensent que l’école s’est dégradée depuis dix ans. « Cette impression est alimentée par les difficultés économiques et par la prise de conscience des phénomènes de ségrégation à l’intérieur de l’école », ajoute-t-elle.

Côté enseignants, la famille apparaît plus partagée. Les jeunes profs abordent le métier avec plus de confiance que leurs aînés : une écrasante majorité (82%) des moins de 35 ans trouve que l’on prend mieux en charge les élèves en difficulté. Et ils sont 47% à estimer que la transmission des connaissances de base se passe mieux (contre un petit 29% chez les plus de 50 ans). Enthousiasme de la jeunesse face à l’usure du métier chez les plus âgés ? Ou bénéfice pour les nouveaux promus d’une formation mieux adaptée aux réalités du métier ? Les deux probablement. Mais il y a fort à parier que les résistances aux réformes faibliront d’ici à 2012, puisqu’à cette date le quart du corps enseignant sera parti à la retraite.

L’autre intérêt du sondage porte sur l’attitude des parents d’élèves. Là, le clivage n’est plus générationnel, mais social. D’un côté, les cadres et les professions intellectuelles - qui forment le bataillon le plus critique - et, de l’autre, les employés et les ouvriers, qui dans leur majorité (62%) estiment que l’école transmet bien les connaissances de base. Si les premiers sont plus à l’aise, parce que « plus confiants dans leur capacité à faire face aux transformations globales de la société », toujours selon la sociologue, les derniers, eux, sont plus légitimistes. Ils font plus confiance à l’école qu’à eux-mêmes pour assurer la transmission du savoir.

Et l’école demain ? Que faut-il pour qu’elle aille mieux ? Si la transmission des connaissances et l’éducation à la vie en société restent les priorités, 48% des parents et 35% des professeurs pensent qu’elle doit préparer à la vie professionnelle. Ce n’est pas encore une majorité, mais c’est le signe incontestable que les mentalités bougent. Une telle proposition aurait été inconcevable il y a vingt ans.

Au-delà de l’unanimité à réclamer des classes moins nombreuses et le développement du soutien individuel, quelques-uns ont des revendications plus originales. Comme le fait de faire travailler les élèves sur des projets concrets afin de lutter contre l’ennui.

Dans la même veine, les parents souhaitent accorder plus de place aux nouvelles technologies. Enfin, pour que dans cette école idéale tout ne soit qu’ordre, calme et sécurité, 75% des parents réclament plus de surveillance et de sanctions. Un retour à l’ordre qui n’est pas sans rappeler les propositions d’une certaine candidate à l’élection présidentielle...

Quant à rendre heureux les élèves, une des missions prioritaires proclamées en Grande-Bretagne, c’est en France le cadet des soucis des enseignants et encore moins celui des parents. Surprise : une immense majorité des sondés ne demandent pas à l’école de faire des enfants de bons citoyens. Jules Ferry est bien mort et enterré...

(1) Les Entretiens Nathan, 14 octobre 2006 de 9h à 18h à la Maison de l’Unesco, à Paris. www.nathan.fr (2) « Enquête sur les nouveaux enseignants. Changeront-ils l’école ? », par Patrick Rayou et Agnès van Zanten, Bayard, 2004. LIBERATION

mis en ligne le jeudi 12 octobre 2006
par ML



  
BRÈVES

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