Comment les parents d’élèves contournent la carte scolaire

Dominique de Villepin l’a annoncé vendredi 8 septembre : l’"aménagement" de la carte scolaire va faire l’objet d’une concertation (Le Monde du 10-11 septembre).

Créée en 1963, celle-ci impose le rattachement d’un élève à un établissement donné, mais ne permet pas d’assurer une mixité sociale dans les écoles et surtout dans les collèges des quartiers défavorisés. Les parents les mieux informés demandent des dérogations, voire trichent sur leurs adresses, ou optent pour le privé. Dans les grandes villes de France, mairies et rectorats essaient de limiter les contournements.

A Paris, près de 15 % des élèves qui entrent chaque année en 6e obtiennent une dérogation. La plupart, enseignants en tête, invoque le choix d’une option rare qui ne se fait pas dans leur collège de rattachement.

Des parents demandent également l’affectation de leurs enfants dans des établissements spécialisés ou à horaires aménagés pour poursuivre parallèlement des enseignements artistiques ou sportifs. Depuis la rentrée 2003, des classes européennes et des options de langues rares ont été ouvertes dans des arrondissements populaires du Nord et de l’Est de Paris pour limiter ces demandes.

A côté de ces dérogations, d’autres parents essaient d’obtenir des passe-droits en usant de leur réseau ou de leur profession. "Les journalistes arrivent en tête de ces demandes, viennent ensuite les personnalités du spectacle et du show-biz et enfin les personnes qui invoquent un appui politique", poursuit le rectorat. Sur environ 200 demandes de cette nature, de 80 à 90 obtiennent une réponse positive.

FERMETURE D’ÉTABLISSEMENTS

A Lille, la politique du logement a favorisé la mixité sociale mais les quartiers Lille-centre, Vieux-Lille et Vauban, sont plus riches que Moulins, Wazemmes, Lille-Sud ou Bois-Blancs. Or, certains collèges sont situés à leur lisière ce qui incite de nombreux parents à tricher. Les divorcés donnent la meilleure de leurs deux adresses. Les familles aisées savent remplir les dossiers pour les filières anglais ou musique près du conservatoire dans le Vieux-Lille. Et si la dérogation est refusée les parents optent, même contre leurs idées laïques, pour une école privée.

Le département du Nord "reçoit 3 000 demandes de dérogation chaque année, dont 80 % sont accordées", selon Michel Soussan, inspecteur d’académie. Pour éviter ce phénomène, la carte scolaire est en cours d’aménagement avec la construction de collèges au coeur des quartiers. Ainsi, pendant longtemps, le collège Franklin (Lille-centre), arrivait en tête au hit-parade des demandes de dérogations dans l’académie car il était proche du collège Jean-Macé où l’on affectait les élèves du quartier populaire voisin de Moulins.

Prenant acte de la désaffection de Jean-Macé par les catégories aisées, le conseil général a décidé de fermer l’établissement. Les élèves seront répartis dans deux nouveaux collèges, construits au coeur des quartiers populaires de Moulins et Wazemmes.

A Lyon, 1 700 demandes de dérogations sur un total de 33 000 places ont été formulées cette année à la mairie de Lyon, au niveau de l’enseignement primaire. S’y ajoute, la scolarisation en établissement privé qui représente entre 20 % et 25 % des effectifs. Pour tenter de limiter ces stratégies d’évitement, la mairie de Lyon a concentré ses efforts sur les établissements délaissés par les familles aisées. "Nous avons effectué des travaux de modernisation et soutenu parallèlement les projets et les équipes pédagogiques, explique Yves Fournel, l’adjoint aux affaires scolaires (divers gauche). Sur les pentes de la Croix-Rousse, les écoles qui, il y a huit ans, comptaient 80 % d’enfants d’origine étrangère sont maintenant revenues à un équilibre classique."

La mairie de Lyon accepte en moyenne 80 % des demandes de dérogation. Par délibération elle a fixé des critères objectifs tenant à la non séparation d’enfants d’une même famille, à des problèmes de santé ou des problèmes sociaux et pour les moins de six ans aux modes de gardes. Les enfants gardées par exemple par leurs grands-parents dans un autre quartier que leur domicile peuvent obtenir une dérogation. Pour l’élu, le débat actuel sur la carte scolaire "est en dehors des réalités". "Si nous laissons le choix aux parents, dans certaines écoles il y aura plus de demandes que d’offres. Et là, soit vous tirez au sort, soit vous faites du clientélisme. Ce qu’il faut, c’est donner envie aux familles de rester dans leurs écoles de quartier."

Au niveau du second degré, le contournement de la carte scolaire est plus sensible même si la création de lycées en banlieues, comme à Vaulx-en-Velin, avec le lycée Robert Doisneau, a contribué à polir les disparités.

A Marseille, jusqu’il y a trois ans, la ville n’avait pas de carte scolaire pour le premier degré, c’est-à-dire, les écoles. Ses 72 000 écoliers s’inscrivaient directement auprès des directeurs des 460 établissements, à l’intérieur d’un secteur déterminé. L’absence de centralisation des inscriptions favorisait la fuite scolaire et selon le SNUipp, le principal syndicat des enseignants du premier degré, "le clientélisme des familles".

La mairie a donc partiellement rectifié le tir : depuis 2004, elle assure les inscriptions des élèves des trois premiers arrondissements de la ville, à savoir 10 000 enfants de quartiers souvent très pauvres qui abritent 40 écoles. L’extension de ce dispositif aux 13 autres arrondissements n’est pas prévue avant 2008 ou 2009 car elle exige, selon la mairie, "un énorme travail en informatique et en personnel".

La carte scolaire existe pour les 130 collèges publics du département. Les Bouches-du-Rhône comptabilisent 9 % de demandes de dérogations, et Marseille, 11,5 %. La mode actuelle est au choix d’options rares comme le provençal ou le grec. D’autres parents utilisent de fausses adresses, comme celles des grands-parents pour une inscription dans un collège à bonne réputation.

Une récente enquête administrative a même mis au jour un système de boîte à lettres sans adresse réelle pour l’inscription d’enfants dans un des meilleurs collèges du département.

Geoffroy Deffrennes à Lille, Sophie Landrin à Lyon, Martine Laronche à Paris, Michel Samson à Marseille Article paru dans l’édition du 13.09.06

mis en ligne le mercredi 13 septembre 2006
par ML



  
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